Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée
2029
2030
ARTICLES FONDAMENTAUX (SYSTÈME DES ;


de l’Église ? En outre saint Paul déclare, I Cor., iii, 10-1 1, que personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, et qui est le Christ Jésus. Or ce fondement, ce n’est pas la personne de Jésus, mais sa doctrine fondamentale. Aussi nous voyons les apôtres tolérer les judaïsants, malgré leurs hérésies, parce que celles-ci n’étaient point fondamentales. Et d’ailleurs les docteurs scolastiques ne font-ils pas la distinction entre les vérités nécessaires de nécessité de moyen et celles qui ne le sont pas ? ce qui n’est au fond que le système des articles fondamentaux.

Ce système fut réfuté avec force et érudition par Nicole, De l’unité de V Église, 1687 ; mais surtout par Bossuet dans son Histoire des variations, 1688. Partant de ce principe, admis alors par Jurieu et son école, que la vérité ne change pas, il montra que, dès les premiers jours de la Réforme, le changement était devenu son état chronique, que ses docteurs n’avaient jamais pu s’accorder les uns avec les autres, ni souvent avec eux-mêmes ; que les confessions de foi avaient été plus d’une fois modifiées sur des points essentiels ; que des vérités, universellement admises par les premiers chrétiens, étaient rejetées par les protestants, et que par conséquent ceuxci ne pouvaient se rattacher à l’Église primitive. Cette rigoureuse attaque fut un coup de foudre pour Jurieu ; il fut obligé de changer de tactique et de revenir sur ses concessions, en déclarant que les variations ne sont pas un signe d’erreur et que le christianisme n’en a jamais été exempt. C’était renoncer à la théorie de l’Église visible ; c’était ouvrir la porte à tous les abus du latitudinarisme. Les sociniens et les libéraux en profitèrent pour répandre leurs erreurs : n’avaient-ils pas le droit, eux aussi, de modifier les doctrines primitives ? De plus, parmi les orthodoxes eux-mêmes, l’esprit de critique et de négation se développa, et l’on fut obligé de réduire de plus en plus le nombre des points fondamentaux. Bientôt même on renonça complètement à cette théorie, on déclara que l’unité de croyance n’était pas nécessaire ; dans un Essai sur l’alliance évangélique universelle, F. Vidal propose d’assembler dans une même alliance tous les chrétiens qui, « unis dans l’amour appliqué à Dieu créateur, aux hommes frères et à Jésus-Christ sauveur, demeurent libres de formuler leur foi comme ils l’entendent. » Voir P. Martin, De l’avenir du protestantisme, Paris, 1869, p. 271. Du reste, un grand nombre de protestants libéraux ont pris une attitude plus franche et plu- ; radicale : Notre-Seigneur a prêché une doctrine, mais n’a pas institué d’Église : chacun est donc libre d’enti min’et de pratiquer l’Évangile comme il le veut. Ainsi plus d’Église, plus d’unité’, plus de dogme, rien que l’individualisme absolu : c’est la conclusion historique il logique des systèmes que nous venons d’étudier.

11. Réfutation. — Ce simple exposé historique est déjà une réfutation du système des articles fondamentaux : car il montre clairement qu’il a échoué dans le double but qu’il s’était proposé. Mais de plus ce système est : 1° contraire à l’unité de l’Eglise telle qu’elle a été instituée par Notre-Seigneur ; 2° irréalisable en pratique, parce qu’il est impossible, en dehors d’une autorité infaillible ^ déterminer quels sont ces articles fondamentaux.

I. CB SYSTÈMB EST CONTRAIRE A L’UNITÉ DK l’ÉGLISB.

— Qll il v ni parmi leVC.nl s n I : " des ai h :, les plus

importants, et par là même plus fondamentaux qued’auî’est ce que tout le monde concède ; ainsi par exemple I’- dogme de l’incarnation est en soi beaucoup plus Dtiel que le fail de la naissance de Jésus à Bethléhem, lairement révélé cependant dans l’Évangile. Mais la question est de savoir si, tout en niant un article de foi moins important, quoique réellement défini, on peut rtenir à I Église. Et, pour préciser davantage, il ne ignorants qui rejettent une vérité,

parce qu’ils ne savent pas qu’elle est révélée, tout en

étant disposés à croire toules les vérités définies : ceuxlà ne cessent pas d’appartenir à l’Eglise. Mais il s’agit de ces sectes, qui sciemment rejettent un dogme de foi défini par l’Église, sous prétexte qu’il n’est pas fondamental : est-ce qu’elles continuent d’appartenir à l’Église de Jésus-Christ ? Remarquons aussi que c’est là une question non de possibilité, mais de fait : Notre-Seigneur a-t-il, en fait, constitué son Église de telle sorte qu’on puisse en être membre tout en rejetant un article de foi défini par elle ? Interrogeons l’Écriture et l’histoire.

Ecriture sainte.

Jurieu avoue que nulle part la

Bible ne fait cette distinction entre articles fondamentaux et non fondamentaux, mais il prétend qu’elle se trouve implicitement contenue dans la parabole de l’ivraie et du bon grain. Matth., XIII, 24-30. L’interprétation commune, même parmi les protestants (cf. Goebel, The parables of Jésus, trad. par Banks, Edimbourg, 1883, p. 57 sq.), c’est qu’il s’agit ici des justes et des pécheurs qui vivent cote à côte dans la même Église. Mais quand même il serait ici question de différentes sectes enseignant des doctrines contradictoires, l’argument se retournerait contre Jurieu : car l’ivraie est semée par l’ennemi de Dieu et elle est destinée au feu, c’est-à-dire aux châtiments éternels ; donc ces sectes hérétiques ont pour auteur le démon et conduisent à l’enfer.

En vain s’appuie-t-il sur le texte de saint Paul, I Cor., iii, 10-11. L’apôtre y enseigne sans doute que Jésus-Chri-t est le fondement de l’Église, la pierre angulaire, comme il est appelé ailleurs, Eph., il, 20, et qu’il est par là même le centre de la prédication évangélique. S’ensuit-il qu’il faille rejeter le reste ? Est-ce qu’un édifice, même avec un solide fondement, est complet et peut subsister sans murailles et sans toit ?

L’argument tiré des prophéties ne le sert pas davantage : sans doute elles représentent l’Eglise comme devant avoir une certaine universalité morale (voir Catholicité ) ; mais en même temps comme un royaume où régnent la paix et l’union, et non pas comme un amas de sectes qui s’anathématisent les unes les autres. La seule conclusion à en tirer, la conclusion qu’en fait en ont tirée saint Augustin et les autres Pères contre les hérétiques de leur temps, ainsi que l’avoue Jurieu, c’est que la vraie Église est cette société chrétienne qui joint l’unité à la catholicité.

Nous trouvons en effet dans l’Écriture une série de textes montrant clairement que l’unité de l’Eglise est telle qu’elle exclut toute division, même sur les articles de foi non fondamentaux. Dans ses paraboles, Notre-Seigneur compare l’Eglise à un royaume, Matth., xiii, 21, 31, 33 ; Luc, xiii, 18, etc. ; et il ajoute que « tout royaume divisé contre lui-même sera dévasté, et toute ville ou maison qui estdivisée contre elle-même ne pourra subsister » . Matth., xii, 25. N’est-ce pas là condamnera l’avance une Église, qui n’est qu’un amas de sectes se querellant les unes avec les autres ? Ailleurs, c’est un bercail, où les brebis paissent tranquillement sous la houlette du même pasteur, Joa., x, 6-16 ; ce pasteur a sans doute d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; mais quand il veut les faire siennes, il prend la peine d’aller les chercher et de les amener au bercail, où elles écouteront sa voix ; car il n’y a qu’une seule bergerie et un seul pasteur. En d’autres termes, les hérétiques appartiennent au pasteur suprême, qui les a rachetés au prix de son sang, mais ils ne deviennent membres de l’Église que lorsqu’ils ont été ramenés, par une sincère conversion, dans l’unique bercail.

Jésus-Christ proclame cette unité absolue plus explicitement encore, lorsque, la veille de sa mort, il adi à son Père cette touchante prière : Ut omîtes unum sint, sicut iii, Pater, in me, et ego in te, ut et ipsi in nobis unum tint ; ut credal tnundus quia in me misisti, Joa.. xvii, 21. Il s’agit ici de l’unité visible, puisqu’elle doit être une des marques de la divinité du christianisme ;