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ARNAUD DE BRESCIA


de Rome, qui représentait à la' fois la papauté et l’empire, le condamna, à Rome ou à Civita Castellana, à être pendu, fit brûler son cadavre et jeter ses cendres au Tibre (H55).

Tous les documents contemporains attribuent l’exécution d’Arnaud au préfet de Rome. La sentence aurait été portée par le pape, d’après les Annales August. minor., dans Mon. Gerni. hist., Hanovre, 1852, t. xii, p. 8 ; cf. Roson, Vie d’Adrien IV dans Ducbesne, Liber pontificalis, Paris, 1889, t. ri, p. 390. Olton de Frisingue, dans Mon. Germ. hist., t. xx, p. 404, insinue que la responsabilité incomberait à Frédéric Rarberousse : principes examini reservatus est, ad ultimum a præfecto Urbis ligno adactus. Gérboh de Reichersberg, dans Marg. de la Bigne, Bibliolh. Patrum, t. iv b, col. 728, enregistre une version qui paraît avoir été celle de la cour pontificale : Arnaud aurait été arraché de sa prison et livré au supplice par le préfet de Rome, pro speciali causa, à l’insu et sans le consentement de l'Église et de la curie. Gérhoh ne contredit pas à cette explication, mais il regrette que les meurtriers n’aient pas redouté de laisser peser les soupçons sur le siège apostolique et rejaillir jusqu'à lui le sang de la victime.

II. Doctrines.

On a dit qu’Arnaud fut un agitateur politique plutôt qu’un réformateur religieux, que sa théologie n’allait point à l’hérésie et s’arrêtait sur le bord du schisme. Cf. Schmidt, Précis de l’histoire de l'Église d’Occident pendant le moyen âge, Paris, 1885, p. 215 ; E. Gebhart, L’Italie mystique, Paris, 1890, p. 41. Ce n’est pas ainsi qu’il apparut à ses contemporains. Otton de Frisingue le classe parmi les ingénia ad fabricandas hsereses scismaliunque perturbationes prona ; V Ilistoria pontificalis dit qu’il fonda une secte queadhuc dicitur heresis Lumbardorum et que l'Église l’avait excommunié, et tanquam hereticum preceperat evitari. Cf. Mon. Germ. hist., t. xx, p. 403, 538, 537. Innocent II l’appelle lui et Abélard perversi dogmatis fabricatores et calholicm fidei impugnatores. Cf. Baronius, ad an. Il 40, n. 10. Eugène III le qualifie de schismatique, dans une lettre, et d’hérétique, dans une autre. Cf. liaronius, ad an. 1148, n. 38 ; Martène et Durand, Amplissima collectio, t. ii, col. 554. Saint Bernard le dénonce comme schismatique et comme ayant défendu opiniâtrement toutes les erreurs d’Abélard après leur condamnation par l'Église. P. L., t. clxxxii, col. 363. Adrien IV le nomme hérétique. Cf. Jaffé-Lowenfeld, n. 10073.

Quel fut donc l’enseignement d’Arnaud de Rrescia ? Il signala les abus auxquels donnaient lieu trop souvent les biens ecclésiastiques. Jusqu’ici il ne sortait pas des limites de l’orthodoxie, et plusieurs de ses contemporains, dont la foi fut intacte, saint Bernard entre autres, s’attaquèrent aux mêmes maux. Mais Arnaud n’envisagea pas la question des biens d'Église uniquement au point de vue disciplinaire. Il nia le principe même du droit de propriété de l'Église. Toutes ses ssions temporelles, disait-il, appartiennent aux princes temporels ; le pape n’a pas à s’occuper du gou.iii mni de Ri me ; évéques, clercs, moines, ne peuvent in n posséder, sous peine de damnation. Ceci déjà était plus grave. Sans doute la légitimité du droit de propriété de l Église n’avait pas été encore l’objet de définitions très précises ; pourtant, elle était assez manifeste pour que ce langage il Arnaud fût au moins téméraire.

Arnaud alla plus loin. D’après lui, l'Église corrompue

dans la personne des clercs, des évéques, îles cardi nauj tous simoniaquea et avides de richesses,

n'était plus la véritable Église et le papen'était plus le

pape, ipsum papam non esse quod profiletur apos , 1 animarum pastorem… Dicebat quod

vpostolicus est ut n"n apostolorum doctrinam imi

tetur ad vitam, et ideo ei obedientiam et reverentiam

non debrri. Cf. l’Historia pontificalis dans Mon. Germ. hist., t. xx, p. 538. Ainsi il n’y avait pas à obéir au pape et aux prélats prévaricateurs. Ce n'était pas tout : les fidèles ne devaient pas recevoir les sacrements des prêtres indignes, ni se confesser à eux, mais bien plutôt se confesser les uns les autres,

Nec debere Mis populum delicta fateri,

Set magis atterulrum, nec eorum sumere sacra.

Cf. Archivio délia società romana di storia patria, 1878, t. i, p. 471. Fidèle à son principe, Arnaud refusa, au moment de mourir, de recevoir un prêtre, et déclara qu’il ne voulait se confesser qu’au Christ. Ibid., p. 473. Cette fois, nous sommes en plein schisme et en pleine hérésie.

En outre, Otton de Frisingue se fait l'écho d’un on dit, qui attribuait à Arnaud des opinions blâmables sur l’eucharistie et le baptême des enfants. Cf. Mon. Germ. hist., t. xx, p. 404. Comme on sait également qu’Arnaud fut condamné au deuxième concile œcuménique de Latran, Baronius, Annal, ceci., ad an. 1139, n. 9, en conclut que le 23e canon du concile, Labbe et Cossart, Sàcrosancta concilia, Paris, 1671, t. x, col. 1008, vise Arnaud, en même temps que Pierre de Bruys. Ce n’est pas probable. Si Arnaud avait professé une hérésie relativement à l’eucharistie ou au baptême (si même il avait déjà poussé ses idées de réforme jusqu’aux limites qu’il atteignit plus tard), la sentence du concile aurait été plus rigoureuse, Arnaud n’aurait pas été laissé libre, et saint Bernard n’aurait pas écrit seulement que, dans cette circonstance, Arnaud accusalus apud dominum papam schismate pess’nno nalali solo pulsus est. P. L., t. clxxxii, col. 362. « Ce ne fut certainement que dans les dernières années de sa vie qu’il tomba dans de pareilles erreurs, si tant est qu’il y soit tombé'. < ; llefele, Histoire des conciles, trad. Lecïercq, Paris, 1908 sq., t. v, § 615.

SaintBernard appelle Arnaud inimicus crucis Christi. P. L., t. ci. xxxii, col. 363. S’il fallait prendre ces mots à la lettre, nous aurions un point de contact sûr entre Arnaud et le pétrobrusianisme. Mais il semble que leur sens est plutôt métaphorique.

III. Disciples.

Les arnaldistes ou arnaudistes marchèrent dans la ligne tracée par Arnaud de Brescia. Nous avons quatre lettres écrites dans son entourage. L’une, adressée au roi Conrad, en 1 150, par « un fidèle du sénat » — et dont l’auteur est peut-être Arnaud luimême — contient ces paroles : « Vous pourrez faire en sorte qu'à l’avenir jamais un pape ne soit ordonné sans votre ordre et votre bon plaisir. Il est défendu aux prêtres de porter à la fois l'épée et le calice, v lue autre lettre a pour destinataire Frédéric Barberousse ; elle est d’un Wetzel (1152), qui flagelle « les clercs hérétiques et apostats, lesquels, à rencontre des décrets évangéliques, apostoliques il canoniques, veulent dominer et troublent l'Église de Dieu et l'Étal » ; pour battre en brèche le droit de propriété de l'Église, il

argue de faux, le premier de Ions, la donation (le Constantin.

Arnaud disparu, les arnaldistes gardèrent, en accen tuant encore le second, les (v points principaux (le

sa doctrine : négation du droit de propriété de l'Église il affirmation de l’invalidité des sacrements conférés par les 1 1 fin i sires indignes. Quand les vaudois survinrent, l’entente s'établit vite avec eux : des deux groupes de

vaudois, les pauvres de Lyon et les p. mues de I. hardie, ce dernier, plus éloigné du catholicisme et se différenciant de l’autre précisément pane qu’il ne consentit jamais à admettre que le mauvais prêtre puisse conr validement le corps de Jésus-Christ, naquit d’une fusion du valdisme et de l’arnaldisme répandu principalement en Lombardie, Voir Vai DOIS. L'Église an.ith' ui.itis.i fréquemment les arnaldistes.