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ARMÉNIE. CROYANCE ET DISCIPLINE


avaient prêché en Arménie la proscription des images. On voit par un curieux chapitre de Moïse de Kaghankatouk (ou d’Outi) que le haut clergé du pays, tout en affichant son dédain pour les peintures religieuses des Grecs, ne laissa pas de s’opposer à ces hérétiques. Histoire des Agliovans, 1. III, c. xlvi. Cf. Karapet TerMkrttschian, Die Paulikianer im byz. Kaiserreiche, in-8", Leipzig, 1893, p. 52-53. Vers le milieu du xiiie siècle, un concile de Sis ordonna « d’honorer les images du Sauveur et des saints et de ne point les mépriser comme les images des faux dieux » . Une centaine d’années auparavant, le patriarche Nersès de Klag avait, dans sa réponse à l’empereur Manuel Comnéne, exprimé la croyance de son Église touchant les images en termes d’une parfaite orthodoxie. Sancli Nersetis Clajensis opéra, édit. Capelletti, in-8°, Venise, 1833, t. i, p. 226 sq. ; E. Dulaurier, Histoire, dogmes, traditions et liturgie de V Eglise arménienne, 2e édit., Paris, 1857, p. 98-101. Si l’enseignement officiel sur ce point est à l’abri de tout reproche, la pratique, il faut bien en convenir, lui a souvent donné des démentis ; elle lui en donne encore aujourd’hui. En général, les Arméniens aiment peu les images. Ils n’en conservent que dans les églises, et en très petit nombre. Le plus souvent, il n’y en a qu’une seule, celle du maitre-autel ; encore n’est-il pas rare de la voir remplacée par une simple croix. L'église patriarcale d’Etchmiadzin garde suspendues à ses murs nus les images de l’Illuminateur et de ses premiers successeurs, mais personne ne les vénère. Ceux des Arméniens qui vivent au milieu des grecs se conforment davantage aux usages de ces derniers, du moins aujourd’hui. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il est même permis de croire que si l’Eglise arménienne a un peu délaissé le culte des images, c’est surtout pour marquer son hostitilé vis-à-vis des grecs. Parmi les motifs invoqués par le synode d’Ani pour justifier la déposition du patriarche Vahan (970), l’un des principaux est que ce prélat avait introduit des images. En rappelant ce l’ail dans son « Discours contre les partisans de Chalcédoine » , Èlienne de Siounik reproche à Vahan d’avoir, en important des images en Arménie, « substitué le culte des icônes au culte de la croix sur tous les autels. » Ne pourrait-on pas conclure de ces paroles que la profonde vénération des Arméniens pour la croix n’est pas restée étrangère à l’espèce d’ostracisme dont ils ont frappé les autres objets de dévotion, les images surtout ? Cf. Ter-Mkrttschian, op. cit., p. 56-60. Les Pères du concile de 1342 invoquent un autre motif, la crainte des musulmans, ennemis, comme on sait, de toute représentation figurée. Voir la réponse à la 74e accusation, dans Hefele, Hist. des conciles, trad. Lrclercq, t. vii, §707. Ce qui vient d'éire dit sur le peu d’expansion du culte des

es chez les Arméniens ue saurait, je le répète, être

tenu pour la règle gértérale. Il y a telle contrée, par exemple, OÙ les images des saints, de Marie surtout, sont l’objet d’une dévotion toute spéciale. Partout, d’ailleurs, l’intercession des saints est regardée comme un dogme de foi ; saint Jean-Baptiste, saint Grégoire l’Illuminateur et saint Etienne sont les patrons les plus honorés.

XI. Jeûnes. — Les Arméniens ont régulièrement deux jours déjeunes par semaine, le mercredi, en mémoire

incarnation, el le vendredi, en souvenir du crucifiement. Ils ont aussi, cela va de soi, le grand carême ; celui-ci commence le lundi de notre Quinquagésime et dure

semaines. Ils ont enfin, chose propre à leur Église, emaines de jeûne (Chapatha-bahk). Cette dernière Institution remonte au concile de Tvin (555), qui ordonna nue semaine déjeune par mois, soit douze semaines par an. Deux de ces semaines, celles de mars et avril, étanl comprises dans le grand carême, il n’y a qu'à la place des dix autres. La semaine de janvier précède la fête de l’Epiphanie, 6 de ce mois, et celle de r est toujours placée immédiatement avant le grand

carême, dont elle forme comme une préparation ; voilà pourquoi on l’appelle aralchavork, c’est-à-dire préalable. Quant aux huit autres semaines de jeûne, elles sont échelonnées le long du reste de l’année avant chacune des huit fêtes principales suivantes : saint Élie, 1 er dimanche après la Pentecôte ; saint Grégoire l’Illuminateur, samedi qui suit le 3e dimanche après la Pentecôte ; Vartavar ou Transfiguration, 7e dimanche après la Pentecôte ; Assomption, dimanche le plus proche du 15 août ; Exaltation de la Croix, dimanche le plus voisin du 14 septembre ; Varaka Khatch ou Apparition de la Croix sur le mont Varak, 2e dimanche après l’Exaltation de la Croix ; Hissnag-atz, ou jeûne de la « cinquantaine » , semaine qui suit le 1 er dimanche de la « cinquantaine » , lequel tombe entre le 15 et le 21 novembre ; saint Jacques de Nisibe, samedi après le 4e dimanche de la « cinquantaine » . L’Hissnag, analogue à notre avent, est une période d’environ cinquante jours précédant la fête de l’Epiphanie. Sur un désir manifesté dans un de ses discours par Nersès le Gracieux, on a parfois consacré au jeûne les neuf jours qui séparent l’Ascension de la Pentecôte ; mais cet usage est presque partout tombé en désuétude ; là où ce jeûne subsiste encore, au lieu de durer neuf jours, il se réduit à trois : le vendredi, lendemain de l’Ascension, le mercredi et le vendredi de la semaine suivante. Le dernier jour de ces « semaines de jeûne » , c’est-à-dire le samedi, le laitage est permis ; ce jour est désigné sous le nom de navakalik, littéralement dédicace, et, par extension, commencement de fête. Enfin, détail intéressant, chacun de ces carêmes hebdomadaires est précédé d’un jour de réjouissance qui est toujours un dimanche, excepté pour le jeûne de l’Epiphanie, dont le commencement coïncide avec celle des fériés de la semaine que détermine la lettre dominicale. Ce « carnaval » d’un jour se nomme paregentan, littéralement bonne vie, c’est-à-dire bonne chère. On voit que les semaines de jeûne ne sont en définitive que de cinq jours. En additionnant ces jours avec ceux du grand carême et avec les mercredis et vendredis de l’année, hormis l’octave de l’Epiphanie et le temps pascal, nous obtenons un total de 120 jours de jeûne par an, en moyenne. On a vu que les jours de jeûne, de même que les fêtes dominicales ne permettent pas la célébration du mariage. Le tempus clausum est donc de 260 jours environ.

En principe, l’occurrence d’une fêle « dominicale » devrait dispenser du jeûne ; mais, en fait, il n’y a que l’octave de l’Epiphanie et le temps pascal, de Pâques à l’Ascension, où l’usage de la viande soit permis d’une manière continue. C’est pour éviter l’occurrence des fêtes avec les jours de jeûne que l’on renvoie généralement les premières au dimanche ; toutefois, pour quelques-unes, cette translation est impossible, pour les six dimanches du carême, par exemple, et pour tant d’autres, dont la célébration est commandée précisément par le dimanche qui précède ou qui suit. Si l’occurrence d’une fête ne supprime pas le jeûne, elle en atténue parfois la rigueur en transformant le jeûne strict en une simple abstinence.

Il y a lieu, en effet, de distinguer trois sortes de jeûne : 1° le jeûne strict (bakh), qui ne permet l’usage ni de la viande, ni des œufs, ni du laitage, ni du poisson, ni même de l’huile et du vin. mais seulement des légumes ; 2° le jeûne dit dzuom, identique au précédent sons le rapport de l’abstinence, mais n’autorisant qu’un

seul repas, après les vêpres ; 3° le jeune dit navaguihk,

dans lequel la viande sente est interdite. Si l’on excepte le jeûne de Varatchavork et du grand carême, tous les

autres jeûnes de l’année sont de simples abstinences,

au sens théologique du mot ; on peut manger à toute heure et en n’importe quelle quantité de tous les alimenls non prohibés. Même dans le grand carême, le jeune proprement dit finissait primitivement au coucher