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15M APOLOGÉTIQUE (HISTOIRE JUSQU’A LA FIN DU XVIIe SIÈCLE) 1542

de la religion chrétienne. Vers le même temps, deux frères, Adrien († 1675) et Pierre de Walenburch († 1661), évéques hollandais, publiaient un excellent manuel où étaient affirmés les principes, exposées les règles, et résumés les arguments pour convaincre d’erreur les partisans de la Réforme. L’ouvrage s’appelle : De controversiis tractatus generalis, dans Migne, Theologix curs. complet., Paris, 1837, t. i, col. 1015-1262. Il est solide et très concluant.

C’est à la philosophie qu’appartient Nicolas Malebranche (1632-1715). Il est impossible de ne point attribuer une place parmi les défenseurs de la foi à cet auteur puisqu’il a écrit les Entretiens sur la métaphysique, 1687, la Recherche de la vérité, 1674, les Méditations chrétiennes, 1679, etc., 4 in-12, Paris, 1871. Malgré ses illusions et ses erreurs ; c’est un admirable génie, le plus haut peut-être et le plus profond des philosophes français ; mais il ne s’adresse guère qu’aux hommes dépensée. Jean de la Bruyère (1639-1696) rendait ridicules et méprisables les prétendus esprits forts, Caractères, 1687, et contribuait, auprès des gens du monde et des intelligences cultivées, à la victoire de la religion.

Cependant s’il fallait caractériser l’apologétique au xvii 1 siècle, deux noms serviraient de types et l’emporteraient sur tous les autres, celui de l’évêque d’Avranches, Daniel Huet (1630-1721), et celui de l’ami des solitaires de Port-Royal, Biaise Pascal (1623-1662). Le premier emploie la méthode historique et positive, développe la critériologie traditionnelle du surnaturel par le miracle et la prophétie. Œuvre d’immense érudition, sa Démonstration évangélique (Migne, Démonsl. évang., t. v, col. 7-936) amasse toutes les preuves historiques du christianisme ; parfois cependant, comme dans l’Accord de la foi et de la raison, il donne plus que des gages à ce qu’on appellera le fidéisme, dont il est, si l’on peut dire, un des inventeurs ; il lui arrive comme aux très savants hommes d’accepter ou de créer des hypothèses dont ils cherchent la confirmation dans les résultats de leurs travaux. Ainsi, pour Huet, les dieux de la mythologie ne seront que des métamorphoses de Moïse, adoré sous différents noms. Ce travers n’empêche pas son livre d’être une mine et un arsenal où puisèrent sans réserve, et quelquefois sans discernement, les apologistes qui l’ont suivi.

Ce n’est pas le lieu ici de caractériser l’apologétique de Pascal : l’exégèse des pascalisants est trop variée pour nous permettre des conclusions définitives ; aussi bien, faudrait-il les justifier par de trop nombreux développements. L’auteur des Pensées a pourtant esquissé le plan d’une apologie. « Les hommes ont mépris pour la religion ; ils en ont haine et peur qu’elle soit vraie. Pour guérir cela, il faut commencer par montrer que la religion n’est pas contraire à la raison ; vénérable, en donner respect, la rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu’elle fût vraie ; et puis montrer qu’elle ett vraie. Vénérable, parce qu’elle a bien connu l’homme ; aimable, parce qu’elle promet le vrai bien. » Édit. Brunschvieg, Paris, 1887, n. 187. Rapprochez cet extrait de la phrase célèbre : « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cœur non à la raison. » Édit. lïrunschvicg, n. 278. Et complétez-le par ces paroles : « Il n’est pas possible de croire raisonnablement contre les miracles. » Ëdit, Brunschvicg, n. 815. Vous aurez quelque idée des éléments que renferme cette apologie dont nous n’avons que des fragments et où les préjugés jansénistes de l’auteur ont malheureusement laissé des traces nombreuses. Mais la méditation des quelques pages consa-CTi i la religion par ce sublime et profond génie gardera toujours une valeur inappréciable pour les âmes troublées par le doute, éprises de pensée et attirées par l’amour.

Bien plus infestée de jansénisme fut la croyance d’Arnauld et de Nicole. La nécessité de la foi en Jésus-Christ pour être sauvé (Migne, Démonst. évang., t. iii, col. 146-451) et l’Apologie pour les catholiques contre les faussetés du ministre Jurieu assignent une place parmi les écrivains qui ont défendu le christianisme à cet Antoine Arnauld (1612-1694), que Boileau appelait avec une emphase un peu ridicule : « Le plus savant mortel qui jamais ait écrit. » On lui doit encore, en collaboration avec Pierre Nicole (1625-1695), La perpétuité de la foi de l’Eglise touchant l’eucharistie, 3 in-4°, Paris, 1670-1674. Les auteurs y présentent, dans un style honnête et froid, les arguments de la tradition et n’ont pas de peine à montrer sa continuité en faveur de la présence réelle de Jésus dont ils éloignèrent les fidèles par les excès et les duretés de leur morale. Il était de leurs amis, ce Gilbert de Choiseul (1613-1689). successivement évêque de Comminges et de Tournay, auquel on doit d’estimables Mémoires contre les athée ?, les déistes et les libertins (Migne, Démonst. évang., t. iii, col. 45*3-576). L’auteur est simple et fait appel aux idées sensées et droites que porte en elle une saine intelligence non pervertie par les sophismes.

2. Apologistes protestants.

« Le plus grand des protestants, et peut-être le plus grand des hommes dans l’ordre des sciences, » d’après Joseph de Maistre cité par l’abbé Crampon, Dict. d’histoire et de géographie. Paris, 1866, p. 712, Guillaume Leibnitz (1616-1716), nous appartient par sa Théodicée, illO, dans ses Œuvres philosophiques, Amsterdam, 1765, précédée d’un Discours sur ta conformité de la foi avec la raison, où il défend la cosmogonie de l’Écriture et démontre que nos mystères ne renferment rien de contradictoire. Il fit paraître en 1672 une dissertation contre les sociniens : Sam la Trinilas per nova argumenta logica defensa, et l’on sait qu’il s’en prit directement à Bayle pour justifier, contre ce sceptique, le dogme de la providence. Personne n’a plus résolument affirmé la bonté de Dieu. L’on sait aussi qu’entre Bossuet et Leibnitz un rapprochement s’était fait pour négocier et préparer le retour des luthériens au catholicisme ; malheureusement, le projet n’aboutit pas, mais il fut l’occasion du Syslema theologicum, oeuvre posthume, où, par la pensée et l’expression, le philosophe allemand se montre souvent catholique. L’abbé Émery a publié les Pensées de Leibnitz, 2 in-8°, Paris, 1803, sélection intelligente de tout ce que l’auteur de la Théodicée a écrit de plus remarquable en faveur de la religion chrétienne.

Beaucoup plus méthodique fut l’œuvre du ministre protestant français, Abbadie (1657-1727), publiée à Hotterdam, 1684. Ce Traité de la vérité de la religion chrétienne a joui pendant longtemps d’une réputation extraordinaire. Il mérite certains des éloges dont il fut comblé, comme étant un résumé suffisant des controverses chrétiennes contre les athées, les déistes et les sociniens. On lui peut reprocher de s’être borné aux réflexions et aux considérations philosophiques et morales, et d’avoir négligé la critique historique essentielle dans l’établissement d’un fait tel que le christianisme.

S’il est illustre parmi les chimistes, l’anglican Robert Boyle (1626-1691) mérite une mention parmi les apologistes, car il écrivit de nombreux ouvrages pour justifier ses croyances chrétiennes. La dissertation sur le profond respect que l’esprit humain doit à Dieu, Migne, Dém. évangél., t. iv, col. 1-50, et Les considérations pour concilier la raison et la religion, témoignent de sentiments très nobles et d’un vrai zèle pour la diffusion de la foi. Plus célèbre encore parmi les savants, Isaac Newton (16V2-1727) mêle à ses ouvrages d’astronomie des considérations chrétiennes, et si on trouve des bizarreries et des idées é’ranges dans ses Observation » sur les prophéties de V Ecriture, sainte, Londres, 173’i, on peut lui reprocher de fournir des armes à la superstition, mai.’.