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    1. ARMÉNIE##


ARMÉNIE. CROYANCE ET DISCIPLINE

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niens à leur entrée dans une autre confession chrétienne témoignent officiellement de leur croyance. Veulent-ils devenir catholiques, ils doivent réciter la formule d’Urbain VIII que je viens de rappeler. S’agit-il au contraire ili leur admission dans l’orthodoxie, les formulaires varient avec les groupes orthodoxes. J’ai indiqué plus haut, col. 1929-1930, la littérature du sujet ; le lecteur voudra bien s’y reporter et consulter en mitre le curieux document, d’ailleurs hors d’usage, publié par J.-B. Cotelier, (Juomodo recipiendi sant Armenii hseretici, not. ail Constit. apost., . V, c. xiv, P. G., t. i, col. 864-872 ; t. cxxxii, col. 1257-1266.

II. Procession du Saint-Esprit.

Si des formules générales nous passons aux points particuliers, la première question qui se présente à notre examen est celle de la procession du Saint-Esprit. A lire attentivement le symbole de foi, tel qu’il existe maintenant, on s’aperçoit bien vite d’une lacune dans la partie qui concerne la troisième personne de la Trinité ; la divinité ilu Saint-Esprit est très nettement affirmée, mais on se tait sur ses relations avec les deux autres personnes. Ce silence, chose remarquable, ne provient pas d’une omission, mais d’une suppression. On lit, en effet, dans l"EpjAï]V£ ; a : IIkjts-Johev eU tô 71ve’j(j.a tô âytov, zo ojy. àXXÔTpiov Ttarpô ; y.a uioû, àXX’Ô[jioo’J<tiov ov izxtçiX xac / : <r>, etc. Credimus et in SpiritumSanctum, ’nonalienum a Pâtre et Filio, sed consubslantialom Patri et Filio, et, au xiie siècle, Nersès de Lampron disait encore dans son Explication du symbole : Neque alienus [SpiHtus] ab eadeni ipsa subslanlia Patris et Filii. J. Catergian, op. cit., p. 15, 46. Quand il s’exprimait de la sorte, le grand évêque de Tarse avait sûrement sous les yeux un texte non mutilé.

D’où provient cette mutilation ? Sans doute des efforts de l’Église grecque pour amener à son propre sentiment sa « fille aînée > d’Arménie. Commencées avec Photius, ces tentatives obtinrent à la longue un succès partiel, succès d’autant plus facile que les Arméniens n’avaient jamais eu à prendre parti dans cette question. A l’époque même où Nersès de Lampron écrivait son Explication de la messe, le catholicos Nersès le Gracieux disait dans sa Profession de foi : SpiHtus a Paire incomprehensibiliter inscrutabiliterque proccdens. P.’.'.. t. cxxxiii, col. 215. Il n’est pas, on le voit, question il h Fils. Si ce dogme de la procession du Fils eût été alors professé explicitement par la majorité de la nation, Théorianos n’eût pas manqué, dans ses conférences avec Nersès, de chicaner sur ce point le catholicos arménien.

Dans l’exposé des erreurs soumis vers 1 3 10 au pape Benoit Ml, le premier article est ainsi conçu : « Dans l ancien temps, les Arméniens ont enseigné que le Saint-Esprit procédait aussi du Fils ; mais, plus tard, un synode arménien a rejeté ce dogme et il n’y a plus maintenant que les Arméniens unis à enseigner le Filioque, s L’article suivant reproche également aux Arméniens l’omission du Filioque dans leur symbole. Hefele, Histoire des conciles, Irad. Leclercq, t. vi, S 707. En réponse à cette double accusation, le concile de Sis(1342) observe que mil us livres arméniens ne parlent que très rarement de cette procession ; elle est pourtant affirmée dans une oraison pour la Pentecôte. Quanl au synode qui aurait rejeté ce dogme, il n’a jamais existé. En revanche, la croyance de l’Eglise romaine a été acceptée dans | il ii s il un synode de la Petite-Arménie, fend., p. 553.

Autant qu’on en peut juger par ces vagues donn le Filioque n’étail pas entré d’une façon bien explicite dans la croyance de l’Eglise arménienne, non pas que cette Église y liit formellement opposée, mais parce qu’elle - 1 ri était jusque-là désintéressée.’luand elle dul prendre parti, elle se rangea du côté des grecs dans ses relations avec Constantinople, el du côté des latins dans rapports avec Home. A la liii, l’influence grecque

l’emporta, et aujourd’hui, les Arméniens non catholiques n’admettent pas que l’Esprit-Saint procède aussi du Fils. Quant aux catholiques, Eugène IV et Urbain VIII leur ont imposé l’insertion du Filioque au symbole dans les deux décrets rappelés plus haut ; la S. C. de la Propagande en a fait autant en 1833. Jur. pont, de Prop. l’aie, part. I, t. v, p. 86. Un mékitariste de Venise, le P. Gabriel Avedichian, a écrit toute une dissertation pour prouver la perpétuelle orthodoxie de son Église en cette matière, Dissertazione sopra la processione dello Spirito Santo dal Padre a dal Figliuolo, in-8°, Venise, 1824. Même après l’avoir lue, on garde l’impression que les Arméniens se sont occupés de la question assez tard, que plusieurs de leurs docteurs et de leurs conciles n’ont fait aucune difficulté d’admettre la doctrine catholique, que le plus grand nombre y est resté indifférent ou opposé-, et qu’on ne peut établir la « perpétuelle orthodoxie » sans solliciter parfois les textes. Je ne parle pas des deux conciles de 1251 et de 1342, où le Filioque fut solennellement admis, mais des temps postérieurs. Dans la période antérieure, le concile de Chirakavan (862) est le seul à parler de la procession du Saint-Esprit ; il le fait en se servant des termes employés par Photius dans sa lettre au catholicos Zacharie, et ces termes sont ambigus. Il tant toute la bonne volonté d’un P. Avedichian pour découvrir sous une formule identique l’erreur d’un côté et la vérité de l’autre. Op. vil., p. 6571.

III. L’Incarnation. — La doctrine de l’incarnation ou. pour mieux dire, des deux natures dans le Christ est la grosse pierre de scandale pour l’Église arménienne. N’ayant pu, à cause des circonstances extérieures, prendre part au concile de Chalcédoine, elle en rejeta, une fois redevenue libre, toutes les décisions, par raison d’État plutôt que pour des motifs dogmatiques. En disant anathème, en 491, aux Pères de Chalcédoine, elle se conciliait la bienveillance du théologien couronné’de Byzance, dont l’appui lui étail nécessaire pour sortir de la domination des Perses ; el, quand l’Empire redevenu orthodoxe lui demanda de reconnaître le concile, elle lui répondit le plus souvent par un refus, manifestant ainsi aux (liées son désir de les voir s’occuper exclusivement île leurs propres affaires. Telle est l’impression qui se dégage de toute l’histoire de cette Église. Moins jaloux d’orthodoxie que d’indépendance, l’arménien se fait orthodoxe quand son intérêt l’exige, el, une l’ois cet intérêt hors de cause, il redevient monophysite avec une extrême facilité’, monophysite, c’est-à-dire partisan de l’Eglise nationale, et non partisan d’une seule nature dans le Christ. De ce point de doctrine, il n’a aucun souci. Cet (Hat d’âme explique seul les perpétuelles contradictions doctrinales que l’on rencontre à chaque page de rhistoirereligieu.se de l’Arménie.

Les Grecs n’ont cessé’de reprocher aux Arméniens leurs doctrines christologiques ; ils les traitent tour à tour d’ariens, de manichéens, d’apollinaristes, de nestoriens. d eiihebéens, d’acéphales. Cf. NicetasStethatos, Refulatio Epis t. régis Armeniæ, P.’<'., t. cv, col. 587666 ; Luthymius Zigabenus, Panoplia dogmatica, tit. xxin, P.G., t.cxxx, col.ll73sq. ; NicéphoreCalliste, H.£’., xviti, ."> : >, P. G., t. cxlvii, col. 440-441 ; Isaac l’Arménien, Oratio contra Armenos, c. i, P. G-., I. CXXXU, col. 1156 sq. ; Nicetas Acominatos, Thésaurus orthod.fidei, l. XVII, /’. G., t. cxi., col. 89-101. A ces accii-.iii.ni~, les Arméniens peuvent opposer les déclarations du concile de Tarse, qui, dans sa deuxième réponse, condamne Euty chès et sis partisans et se montre disposé à renoncer à la formule : una natura Verbi bncarnali, source de tant d’équivoques, Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. v. §633, et, avanl cette époque, celles des conciles de Karin et de Chirakavan. Ces décisions, il est vrai, ’lit dé’précédées et suivies de décisions tout oppo ées, aux conciles de Tvin ci de Manazkert ; aujour-Texte en gras