Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/195

Cette page n’a pas encore été corrigée
1885
1886
ARISTOTÉLISME DE LA SCOLASTIQUE


venlt subtiliter et prudenter. Après l’examen, la correction, que ibi erronea scu scandali vel offendiculi legenlibus invenerilis illativa, penitus resecetis ; ainsi pourrait-on, à l’avenir, étudier ces livres sans danger, ut que sunt suspecta remotis incunctanter ac inoffense inreliquissludeatur.T>cniie-Chaielairi, op. cit., t. i, p. 143, 144. Il ne faudrait pas croire cependant, que le souverain pontife, par là, eût levé les défenses précédentes, comme M. llauréau l’a affirmé à tort, Hist. de la philosophie scolast., t. il, p. 117 ; Grégoire IX et la philosophie d’Arislole, Paris, 1872, p. 6. En effet, dix jours auparavant, le même pontife avait renouvelé les prohibitions dans des lettres apostoliques adressées, le 13 avril, aux maîtres et aux étudiants de l’université de Paris. Jubemus ut magistri artium… libris Mis naturalibus qui in concilio provinciali ex certa causa prohibiti fuere, Parisius non utantur quousque examinati fuerinl et ab omni errorum suspilione purgati. Denifle-Chateluin, t. I, p. 138. La défense reste, mais on fait entrevoir qu’elle sera bientôt levée, dès que la commission aura accompli son œuvre.

5. Elle ne l’accomplit jamais. C'était, du reste, une tâche difficile entre toutes, sinon impossible, que celle de supprimer quelque chose dans le texte d’Aristote si concis et si enchaîné, ou d’enlever des pièces à l’architecture si solidement établie de sa synthèse philosophique. La prohibition demeura. Mais comme si la promesse de la liberté prochaine eût été un encouragement, l’estime pour Aristote grandit. On se tourna de plus en plus vers ce foyer de science et de lumière, et le 19 mars 1255, rompant avec toutes les timidités, la faculté des arts de Paris inscrivait hardiment et officiellement à son programme à peu près toutes les œuvres alors justement ou faussement attribuées au Prince du Lycée : la Logica velus (les prédicaments, le periarmenias auxquels on ajoutait l’Introduction de Porphyre et les Libri divisionum et topicorum de Boèco}, la Logica nova (les topica, les clenchi, les priora et les posteriora anahjtica), l'Éthique à Nicomaque, la P/iysique, la Mélaphytique, les Animaux, le Ciel et le monde, les Météores, 1 Ame, la Génération, les Causes, le Sens et le sensible, le Sommeil et la veille, les Plantes, la Mémoire et la réminiscence, la Différence de l’esprit et de l'âme (de Costa ben Luca), la Mort et la vie. Cf. de Wulf, Hist. de Icphil. médiévale, p. "iii ; Mandonnet, op. cit., p. xxxvii, n. 3. Cet auteur fait observer par erreur que, dans l'énu lion, on ne nomme pas l'éthique. G. Il s'établissait donc une coutume opposée aux lois existantes. Celles-ci maintenaient la prohibition, celles-là n’en tenaient pas compte. Le dernier rappel

i condamnation est de 1263 et d’Urbain IV, DenitleChatelain, t. i, p. 427, qui confirme purement et simplement à l’nniversité de Paris le statut qui lui a été octroyé par Grégoire IX. Pendant ce temps, la coutume adverse grandit, et un siècle après, la loi existante est tellement n désuétude qu’en 13fiC, les deux cardi naux I fj al H l i bain V imposent à tous les candidats à la licence d’avoir à entendre tous les livres d’Aristote. Denifle-Chatelain, op. cit., t. iii, p. 146. La défense ne fut donc jamais rapportée, 'Ile ne pouvait pas l'être à des dangers que l’averroîsme, appuyé sur les traductions et les commentaires arabes du Stagyrite, faisait courir à la philosophie orthodoxe. I. Kglise la maintint toujours. Elle ne l’urgca pas

ndant, parce que son désir (lait de promouvoir les études et que sa conviction était qu’il y avait une mine

riche de savoir dans les œuvres d’Aristote. Elle laissa

lutume contraire s'établir, se contentanl de raj de loin en loin les défenses du commencement du siècle, plutôt pour éviter les écarts que pour supprimer toute ouvres incriminées. Elle aida même celle-ci dans une grande mesure, puisque nous rencontrons i la cour d’Urbain IV, encouragés par le souverain pontife

dans leur travail, Guillaume de Moerbèke et saint Thomas d’Aquin, à l'époque où le premier traduit tous les traités d’Aristote et où le second les commente et tandis que le pape renouvelle les prohibitions de Grégoire IX et du concile provincial de Paris. Cf. Jourdain, Recherches critiques, p. 187 sq. ; Renan, Averroès et l’averroîsme, 3e édit., Paris, 1867, p. 220 sq. ; S. Talamo, L’aristotélisme de la scolaslique, Paris, 1876, p. 403 sq. ; M. de Wulf, op. cit., p. 242, et surtout Mandonnet, op. cit., p. xxix sq.

VIII. L’iconographie de l’aristotélisme chrétien. — Deux tableaux surtout symbolisent dans l’histoire de l’art chrétien le fait de l’aristotélisme scolastique. Le premier est dû au pinceau de Traini, élève d’Orcagna, au xive siècle. Il est conservé à Pise, en l'église de Sainte-Catherine. Le second s’inspirant de la même pensée, et présentant la même composition avec quelques différences de détail seulement, est de Benozzo Gozzoli et se trouve au musée du Louvre à Paris. Dans ces deux œuvres d’art, saint Thomas occupe le centre, ayant sur les genoux la Samma contra gentiles. A ses côtés, à droite, Aristote avec l’Ethique entre les mains, à gauche, Platon portant le Timée ; au-dessus de l’angélique docteur et en cercle, les quatre évangélistes, Moïse et saint Paul avec leurs écrits. Dominant le tout, la Sagesse éternelle, le Christ Fils de Dieu. Enfin, aux pieds de l’Ange de l'École, misérablement abattu et comme foudroyé par les rayons qui partent de la Somme de saint Thomas, Averroès avec son Commentaire. Ces tableaux résument parfaitement la doctrine que nous venons d’exposer. Il y a deux aristotélismes : celui de saint Thomas et celui d’Averroès. Le premier est orthodoxe ; il s’inspire d’Aristote, n’est pas tellement exclusif qu’il n’accepte aussi quelques vérités affirmées par Platon. Il subordonne la sagesse humaine et païenne à la sagesse éternelle et divine représentée par les livres de l’Ancien Testament, dont le principal et premier auteur est Moïse, par les Évangiles et les Épitres, celles-ci dues particulièrement à saint Paul. L’ensemble des rayons de vraie sagesse, partie de Dieu et des génies humains, constitue la sagesse de l’Ange de l'École. L’autre aristotélisme est celui d’Averroès. Il est faux, excessif, exclusif, aveugle. Il est combattu et vaincu par le premier et condamné par la sagesse surnaturelle. Cf. del Rio, De l’art chrétien, Paris, 1874, t. ii, p. 340, 341 ; Salvatore Talamo, op. cit., p. 317 ; Poujoulat, Toscane et Rome, Paris, 1840, p. 54, 55 ; La scienzae la fede, t. xxxiii, série I, p. 288 sq. ; Renan, Averroès et l’averroîsme.

IX. L’aristotélisme de la Renaissance. — Après le xme siècle, la scolastique a moins d'éclat, mais elle demeure attachée avec la même prudence aux doctrines d’Aristote. Les caractères de son aristotélisme apparaissent donc les mêmes. Il y a bien de temps en temps quelques scolastiques, ou conduits par l’averroîsme à exagérer la fidélité envers Aristote, ou poussés par l’augustinisme ou d’autres systèmes nouveaux, à restreindre la part du Stagyrite dans la philosophie, mais ce sont des exceptions ; d’une façon générale, l'école thomiste reste alliée à un sage aristotélisme. — Avec la Renaissance, les idées sur Aristote prennent un nouveau cours. A cette époque les esprits cultivés professent un culte excessif pour tout ce qui est grec. Parmi les auteurs anciens, Platon et Aristote provoquent surtout l’admiration et le prosélytisme. Les uns font du prince de l’Académie une quasi divinité' et s'élèvent contre les prétendues infidélités de son disciple ; les autres relèvent le gant, défendent Aristote contre de telles attaques, el proclament le Stagyrite un maître inattaquable, un pontife infaillible. C’est alors que l’on jure per verba ma gistri. Mais si l’on adore Aristote. on ne le comprend guère ; si on le traduit, on le trahit aussi et l’on en est réduit à recourir aux commentateurs d’un autre pour leur demander la pensée da philosophe. Alexandre