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ARISTOTÉLISME DE LA SCOLASTIQUE


aussi n’admettaient-ils pas confusément toutes les affirmations des philosophes, mais faisaient-ils une sélection, admettaient-ils ceci et rejetaient-ils cela : unde bene dicta recipit (sacra doclrina) et alla respuit. Ibid. Les idées scolastiques sur le progrés possible et nécessaire de la raison excluent aussi tout servilisme à l'égard de la pensée des anciens et donc d’Aristote : « Il est naturel à la raison humaine, écrit l’Ange de l'École, « l’aller par degrés de l’imparfait au parfait. Aussi voyonsnous dans les sciences spéculatives, les philosophes de l’origine nous transmettre des théories imparfaites que les écrivains postérieurs ont ensuile améliorées. » Sum. theol., I a II æ, q. xcvii, a. 1. En conséquence chacun doit considérer qu’il lui appartient de combler les lacunes qui existent dans les études de ses prédécesseurs : ad quemlibet pertinet superaddere id quod déficit in consideratione prædecessorum. In l. II elhic, lect. XI.

3° Aux deux accusations, les faits eux-mêmes se chargent de répondre. — 1. Les scolastiques aiment certainement Aristole et le tiennent en très haute estime. Le nier serait vouloir fermer les yeux à l'évidence. Il suffit de les lire tous pour rencontrer à chaque page ses œuvres citées et son autorité invoquée. — 2. Cependant ils ne l’estiment pas aveuglément. Albert le Grand écrit que « si l’on regarde Aristote comme un Dieu, on doit croire qu’il ne s’est jamais trompé. Mais s’il est un homme, alors il a certainement pu se tromper comme nous-même » . Physic, 1. VIII, tr. I, c. xiv, Opéra, t. ii, p. 332. Gilles de Rome qui, bien qu’ermite de Saint-Augustin, est considéré à bon droit comme le disciple de saint Thomas dans la plupart des questions, Mandonnrl, Siger de Brabant, Fribourg, 1899, p. lxiv ; de VVulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1900, p. 306, compose tout un livre dont le titre seul est une preuve de ce que nous avançons : De erroribus philosophorum Aristotelis, Averrois, Avicennæ, Algazelis, Alkindi, Rabbi Moysis. Denille-Chatelain, C/iarlularium universitatis parisiensis, Paris, 1889, t. i, p. 536. Dans ce livre, Gilles de Rome ramène aux points suivants les principales erreurs que l’on peut reprocher à Aristote : « Le mouvement n’a pas eu de commencement ; le temps es) éternel ; le monde n’a pas commencé ; le ciel n’a pas été fait ; Dieu ne pourrait pas faire un autre monde ; la génération et la corruption des corps n’ont pas commencé et ne finiront pas ; le soleil a toujours été la cause des générations et des corruptions des choses inférieures ; la résurrection des corps est impossible ; Dieu ne peut pas Élire d’accident sans sujet ; dans tout composé il n’y a qu’une foi nie substantielle ; on ne peut accepter ni un lier homme ni une première pluie ; deux corps ne peuvenf être dans un même lieu ; il y a autant d’anges que de Bphères célestes. » Mandonnet, op. cit., p. 8. Voir dans Salvatore Talamo, L’aristoiélisme de la scolastique, II part., c. ii, iii, la nombreuse série des erreurs signaI dans Aristote par les scolastiques. — 3. Ils n’estiment pas Aristote exclusivement. Philippe de Hcrvengt écril a un étudiant de Paris, Engelbert : « Les vraies richesses de l’homme sont la foi, l’espérance, la charité et les autres vertus qui conduisent à la gloire céleste. Si quelqu’un ne l |' sède pas, il est aux yeux de Dieu un sot et il ira pas la gloire, … fùt-il applaudi par vous à i de, d’un Platon ou d’un Aristote. » Deniatelain, Chartularium, t. i, p. ôi. Socrate et Platon étaient en effel de grandes autorités h non les seules i.i scolastique allait demander les lumières de l’esprit humain. Platon, en particulier, s’il n'était pas traite à l'égal d Aristote, étail cependant, surtout pour son système des idées, fréquemment misa contribution, hi I. dit Ai ! uni, que le par fa il philosophe

lui qui ouït la les deux philosophii

Platon et d’Aristote. » Metaph., I. I. tr. V. c. xv. Opéra, t. m. p. 67. Si ion consulte la liste des autorités invode il col ule Somme théoI

logique, on y compte plus de quarante noms de philosophes, d’orateurs ou de poètes profanes ou anciens. — 4. Parmi tous ces auteurs Aristote est cependant le préféré, il est appelé le Philosophe tout court, parce qu’il est considéré comme le philosophe par excellence. Albert le Grand le nomme archidoclorem philosophie, De proprie talibus elemenlorum, 1. I, tr. I, c. i, Opéra, t. v, p. 92 ; il est princeps philosophorum. P/njs., 1. VIII, tr. I, c. xi, Opéra, t. ii, p. 326. Et cette supériorité d’Aristote sur les autres philosophes naît, d’après les scolastiques, soit de ce que le philosophe de Stagyre possède un savoir universel et fournit une somme extraordinaire de connaissances sur toutes les branches du savoir humain, dicimus cum Averroe quod nulla causa fuit quare philosophi vias Aristotelis peripatelici in pluribus secuti surit, nisi quia pauciora vel nulla inconvenientia sequuntur ex dictis ejus, Metaph., 1. IV, tr. III, c. ix, Opéra, t. iii, p. 147 ; soit de ce qu’il expose ses thèses d’une façon plus rigoureuse et plus dialectique ; soit de ce que sa méthode de raisonner étant expérimentale, est plus solide, non eodeni ordine ipse (Aristoteles) procedit ad inquisitionem veritalis, sicut et alii philosophi. Ipse enim incipit a sensibilibus et manifestis et procedit ad separata, alii vero intelligibilia et abstracla volueruut sensibilibus applicare, S. Thomas, In III Metaph., lect. i ; soit enfin de ce que, dans sa logique, il apportait à la science philosophique le plus merveilleux instrument de progrès. Le P. Ventura, De methodo philosophandi, dissert, prsel., § 18, Rome, 1828, p. xlv, xliv, observe justement qu’il faut distinguer chez un philosophe sa philosophie et sa manière de philosopher. Or, si la philosophie’de Platon contient un certain nombre de théories plus proches de la doctrine chrétienne, la manière de philosopher d’Aristote est supérieure et plus conforme à la manière de croire et de raisonner de l'Église. V. La falsification de la pensée d’Aristote a la

    1. FAVEUR DES TRADUCTIONS ET DES COMMENTAIRES ARABES##


FAVEUR DES TRADUCTIONS ET DES COMMENTAIRES ARABES.

— Ce griei pose la question de l’influence du péripatétisme arabe sur la philosophie scolastique. Pour bien en préciser toute la portée, il importe de déterminer d’abord les origines et la nature de l’aristotélisme des Arabes.

1° Avant les Arabes. Ces origines sont chrétiennes. — En effet, avant même l'éclosion de la puissance et surtout de la science islamique, il y avait sur le propre terrain où Mahomet devait opérer sa révolution politique et religieuse et créer son empire, un courant très certain de péripatétisme. « Avant l'époque de la conquête musulmane, la branche de la famille sémitique qui dominait en Orient n'éfait pas l’arabe ; c'était l’araméenne à laquelle appartient la littérature syriaque. L’hellénisme avait pénétré de fort bonne heure chez les araméens, et ceux-ci avaient eu tout le temps d’en subir l’influence au moment où ils furent supplantés dans leur hégémonie par leurs cousins arabes. Les Arabes trouvèrent donc la tradition philosophique déjà établie dans une race déjà apparentée à la leur, de qui ils la recueillirent sans peine. » Carra de Vaux, Avicenne, Paris, 1900, c. ni, p. 39. Le principal centre de culture hellénique pour les araméens l’ut à l’origine la ville d’Ldesse. L'école d'Édesse, envahie par le nestorianisme, lui fermée par Zenon en 189. Les maîtres et 1rs disciples nestoriens s'établirent alors pour la plupart à Nisibe ; d’autres se dis1. n t sur plusieurs points de la Perso, a l’exemple et sous l’impulsion d’Ibas, ancien évêque d’Edesse, on lit di’s traductions syriaques nombreuses d’oeuvres grecques, spécialement d Aristote, ainsi que l’indique t bed Jésus, dans son catalogue rythmique des écrivains syriaques : Hibase grseco in syriacum transtulil libros Commentatori » (Théodore de Mop u que Aris totelis scripta. Assémani, Biblioth, orientalis, t. in a, p. 85. Aux deux siècles suivants, le w et le vu*, grâce aux