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1874
ARISTOTÉLISME DE LA SCOLASTIQUE


dans l’université de Paris au moyen âge, Paris, 1850, p. 71, n. 5 ; C. Douais, Essai sur l’organisation des études dans l’ordre des frères prêcheurs, Paris, 1881, p. 62 sq. — L’inlluence d’Aristote fut donc minime dans la période patristique ; si elle fut plus considérable pendant les premiers siècles du moyen âge, elle eut alors un caractère purement logique.

En dialectique, Aristote est le maître incontesté, reconnu même par les commentateurs platoniciens. En métaphysique, règne un mélange bizarre et souvent contradictoire d’idées platoniciennes et de théories aristotéliciennes. Platon fournit, par exemple, le principe de causalité, la doctrine des idées, et d’Aristote on tient la division des quatre causes, les données sur la substance, la nature, la personne, les catégories. En cosmologie, le stoïcisme fait accepter par les uns sa théorie du fatum, concurremment avec la thèse platonicienne de l’âme du monde et l’affirmation aristotélicienne de l’individualité de toute substance naturelle contenue dans l’univers. En psychologie, la scolastique relève plus particulièrement de saint Augustin et de Platon, sans ignorer toutefois la définition aristotélicienne de l’âme, « entéléchie du corps. » A la théologie naturelle Aristote fournit la notion du premier moteur, Platon celles du démiurge et du Bien suprême, Pythagore celles de l’ordre et du nombre. La scolastique est alors un creuset où des matériaux disparates sont en fusion, gardant leurs différences originelles et, sans lien ni subordination mutuelle possibles, mènent laborieusement à la belle synthèse du xiii’siècle. Cf. M. deWulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1900, 1. III, n. 177, p 163.

Aussi, bien que, grâce surtout à YIntroduction de Porphyre, le problème de fond des universaux fût déjà agité avec passion ; bien que la question de méthode concernant l’opportunité de l’application de la dialectique à l’interprétation des dogmes fût vivement discutée, il n’en est pas moins vrai que, dans la période qui va jusqu’à la fin du XIIe siècle, la scolastique est encore trop peu développée, et la connaissance d’Aristote trop incomplète pour que les attaques contre l’aristotélisme de la scolastique concernent cette époque. Cf. Mandonnet, Siger de Brabaut et l’averroïsme latin auxiw siècle, Fribourg, 1899, c. i, p. xxvi, xxvii ; A. Mignon, Les origines de la scolastique et Hugues de Saint-Victor, Paris, s. d., t. r, p. 35 sq.

Au XIIF siècle.

C’est au xill’siècle que la scolastique,

d’une part, prit un essor merveilleux avec des uénics tels gu’Albert le Grand et saint Thomas et que, d’autre part, les œuvres d’Aristote oubliées dans les siècles précédents, entrèrent par des traductions diverses dans le courant scientifique. Des versions arabes, d’abord, pais bientôt des versions gréco-latines, mettent à la portée de tout le monde savant d’Occident les traités du Stagyrite. Avec A. Jourdain, op. cit. p. 33, « on peut assigner l’année 1220 ou 1225 comme l’époque où la philosophie péripatéticienne commença à être employée dans nos école ?, soit quille nous vint des Arabes, soit qu’elle fût un résultat des rapports ouverts entre Constanlinont. » La condamnation de 1210 prouve

même que la Physique et la Métaphysique étaient en circulation avant cette année. C’est donc au xiir siècle particulièrement, époque où la scolastique jeta tout son éclat et où elle eut a sa disposition l’ensembl œuvres d’Aristote, qu’il faut se reporter pour résoudre le problème de l’aristotélisme.

III. LES ÉCOI.l On s’expose à de grandes et re grettables confu ions si, au xiir siècle lui-même, on ne distii diverses écoles ; car l’aristotélisme n’eut

pas les ire nies faveurs dans chacune d’elles. Cette diverns d’utiliser les doctrines d’Aristote s’explique par’i' s cuises multiples. La première est le plu ou moins d nent aux traditions suivies jusque-là

dans les milieux intellectuels. Les uns sont partisans d’un conservatisme rigoureux et n’abandonnent pas volontiers les sentiers tracés par saint Augustin et la philosophie platonicienne. D’autres, esprits plus hardis, vont de l’avant et ne craignent pas les nouveautés, fussent-elles importées par les aristotéliciens arabes. D’autres veulent allier un traditionalisme sage à une évolution éclairée : ils feront la part des idées anciennes et celle des idées nouvelles, et construiront une synthèse où toute vérité aura sa place d’où qu’elle vienne. A cette disposition des esprits, il faut ajouter la position prise par Aristote lui-même en face des problèmes les plus essentiels de la philosophie religieuse, c’est-à-dire ceux de la divinité et de l’âme. Le Stagyrite était surtout un philosophe de la nature. Voulant réagir contre la métaphysique trop idéaliste de Platon, il avait porté ses recherches de préférence du côté de la physique, prise dans le sens large de science de la nature. La métaphysique et les problèmes spiritualistes n’avaient plus à ses yeux la même importance qu’aux yeux du fondateur de l’Académie. Il ne donna à quelques-uns qu’une solution sans netteté. La situation de ses disciples devenait embarrassante sur ces points. Aussi rien d’étonnant qu’ils aient pris des voies différentes dans l’interprétation du maître, chacun tirant, à sa convenance, des principes généraux de la philosophie du Lycée, la solution des difficultés non entièrement résolues par elle. D’aucuns, croyant sur ces mêmes questions Aristote en contradiction avec la vérité philosophique, l’abandonnaient résolument pour des doctrines plus conformes à la pensée catholique. De la encore opposition de théories au moyen âge ; de là plusieurs écoles. Cf. Mandonnet, op. cit., p. CLXinjZeller, Die Philosophie der Griechen, Leipzig, 1879, t. il, II » part., p. 801 sq. ; Barthélémy Saint-Hilaire, Métaphysique d’Aristote, Paris, 1871, p. lxxxviii sq. ; Psychologie d’Aristote, Traité de Vaine, Paris, 1816, p. xlvi sq.

L’augustinisme.

Si nous commençons par celle

qui renferme le minimum d’aristotélisme, nous trouverons l’école augustinienne, ou plutôt l’augustinisme, car cette école « eut une influence diffuse et peu homogène. .. embrassant à la fois les thèses principales, pures ou mitigées, de la philosophie platonicienne et la dogmatique élaborée par saint Augustin. Le point de vue théologique domine dans ce milieu doctrinal, et plusieurs de ses représentants limitent leur activité littéraire à des œuvres de théologie, c’est là qu’on est réduit à aller les consulter pour connaître leurs idées philosophiques » . Mandonnet, op. cit., p. LXII, LXin. On trouve dans cette école, des maîtres dominicains, comme Roland de Crémone, Robert Fitzacker, Hugues de Saint-Chair, Pierre de Tarentaise, Robert Kihvardby, cf. Denillc-Cliatelain, Charlularium universitatis parisiensis, t. i, p. 558 ; la presque universalité des docteurs franciscains, connue Alexandre de Ilalès, Jean de la Rochelle, saint lîonaventure, Roger Bacon, Jean Peckham et lions Scot, cf. R. P. Prosper, La scolastique et les traditions franciscaines, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 1884, 1885, t. i, p. 97, 289 ; t. ii, p. 30, 307 ; t. i.n, p. 10, 97, 19 ; des séculiers, comme Guillaume d’Auvergne, Gérard d’Abbeville, Henri de Gand, cf. Ehrle, Der Augustinismiis und der Arislotelismus in </<t Scholastilt gegen Ende des 13 Jahrhunderts, dans Archiv fur Lit t. und Kirchengeschichle, t. v. p, 604 sq. ; Veber den Kampf des Augustinismus und Aristotelismus viii 18 Jahrhundert, dans la Zeitschrift fur katholische Théologie, Inspruck, 1889, p, 17’2 ; Vacant, Etudes comparées sur la philosophie de saint Thomas d’Aquin et celle de Duns Scot, Paris, 1891. « L’élément philosophique incorporé par les théologiens augustiniena étant d’origine platonicienne, ils professent plus d’estime pour Platon que pour Aristote qu’ils critiquent vivement, en lui reprochant ses erreurs, el reportent cette disposition d’es-