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1869 ARISTON DE PELLA — ARISTOTÉLISME DE LA SCOLASTIQUE 1870

texte du Deuti’Tonome ne cadrait pas avec l’idée qu’ils se faisaient du Christ ; car le mystère des abaissements du rédempteur passait leur intelligence. Ainsi rien d'étonnant à ce que l’objection de Papiscus se retrouve sous la plume de Tertullien. Adv. Jud., x, P. L., t. H, col. 625. Selon son habitude, l'écrivain de Carthage l’avait empruntée, sans le dire, au dialogue d’Ariston, comme il avait emprunté d’autres traits au dialogue de saint Justin.

Il reste donc que le Dialogue de Jason et de Papiscus a été célèbre, qu’il ne méritait pas les dédains de Celse, mais que, de l’avis d’Origène, il était loin de valoir d’autres ouvrages composés pour la défense de la foi ; €t que, s’il est réellement d’Ariston de Pella, il a dû être composé entre 135 et 150. Harnack a établi que VAltercatto Sinwnis judsei et Theophili ckristiani, répandue en Gaule par un inconnu du nom d’Evagrius, au commencement du Ve siècle, représente pour le fond et l’ensemble l'œuvre d’Ariston. Altercatio Sinionis, dans les Texte und Untersuch., Leipzig, 1883, t. i, fasc. 3, p. 1-136. Evagrius a, à tout le moins, connu le dialogue de Jason et de Papiscus et s’en est servi. D’autres critiques ont pensé, non sans vraisemblance, que Tertullien, Adversus Judseos, et saint Cyprien, Testim., et Origène, Tractatus de libris Scripturarum, s'étaient servis de l’Apologie d’Ariston. L’AvtiSoXï) nam'<7xo-j y.où <l>i).tovoc TovSaiwv itpôç (j.ôva-/ov Ttva, qui a été éditée à NewYork, en 1889, par Me Giffert et qui serait l'œuvre de Jérôme de Jérusalem, aussi bien que le Dialogue entre Athanase et le juif Zache’e, publié dans une version arménienne, Anecdota Oxononiensia, classical séries, viii, Oxford, 1898, et le Dialogue entre Tïmothée et Aquila, encore inédit, contiendraient des arguments empruntés à VA Itercatio Simonis. Il en résulterait que tous ces écrits antijuifs dépendraient l’un de l’autre et pourraient servir à reconstituer en partie l’ouvrage d’Ariston.

M. Resch, Ausserkanonische Paralleltexte zu den Eiangelien, dans Texte und Untersuch., 1894, t. x, fasc. 2, p. 450-456, a conjecturé sans raison suffisante. qu’Ariston était le même personnage qu’Aristion à qui il attribue la finale de l'Évangile de saint Marc.

Gallandi, Biblioth. patr., t. I, prolog. ; Keil, Diblioth. grxc, de Fabricius, édit. Harless, t. vu ; Routh, Reliq. sacr., t. i ; Otto, Corpus apol., t. ix ; Zahn, dans les Forschungen zur Gesch. des neutest. Kanons, t. iv, Erlangen, 1891 : Batiffol, La Httérature grecque, Paris, p. 89-90 ; A. Ehrhard, Die altchristliche Literatur und ihre Èrforschung seit 1880, dans Slrassburger theulogische Studien, t. i, fasc. 4, 5, p. 94-97 ; Id., von 1881-1900, ibid., supplément, 1900, t. I, p. 212-217.

G. BAREILI.E.

    1. ARISTOTÉLISME DE LA SCOLASTIQUE##


ARISTOTÉLISME DE LA SCOLASTIQUE.

Qu’il y ait un lien étroit entre la philosophie de l’Ecole Ile du Lycée, entre la doctrine des chefs de la scolastique, tels qu’Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin, et celle d’Aristote, c’est un fait incontestable. La parenté des deux doctrines, la libation de la scolastique par rapport à la philosophie aristotélicienne a reçu le

istotélisme de la scolastique » . Nous établirons

comment la philosophie de l'École procède de celle d’Aristote, m 'lie en descend entièrement et en droite . si la source aristotélicienne a été déviée en route ou pervertie par la scolastique elle-même, s’il y a eu d’autres sourcesdont la scolastiqueest tributaire, enfin dans quelle mesure é a la première de ces sources.

I. Accu l’aristotélisme exagéré et dangereux

ontre la scolastique. II. Diverses époques. III. I écol IV. La servilité de la Bcolastîque eu tare de totélisme. Y. La falsification de la pensée d’Aristote faveur des traductions et des commentaires arabes. VI. i ion de la méthode « les sciences ration nelles et du dogme lui-même. VII. Condamnations ecclésiastiques portées contre l’aristotélisme. Y11I. L’icono graphie de l’aristotélisme chrétien. IX. L’aristotélisme de la Renaissance.

I. Accusations d’aristotélisme exagéré et dangereux portées contre la scolastique. — On a souvent et dans tous les temps, reproché à la scolastique sa servilité à l'égard de la philosophie d’Aristote. Les accusateurs sont nombreux et variées sont les formes de l’accusation. Les principaux griefs sont les suivants : 1° D’après les uns, la scolastique a eu le tort de se mettre â la remorque d’Aristote en toutes ses théories, sans discernement et sans mesure. « Le principe des péripatéticiens est, avant tout, de se soumettre à l’autorité d’Aristote, c’est-à-dire de jurer par sa parole, en sorte que s’il avait dit que l’homme est un âne et que le bœuf a parlé, il faudrait nécessairement y ajouter une foi pleine et entière. De même que les pythagoriciens, lorsqu’ils voulaient prouver quelque chose avaient coutume de dire : auTo ; é'<pa, lui, c’est-à-dire Pythagore, l’a dit ; ainsi lorsque les péripatéticiens entreprennent de démontrer quelque chose, ils ne savent que répéter ceci : Aristote a dit, et ils donnent à cette preuve plus d’autorité et de valeur qu'à toutes les raisons et à tous les arguments du monde entier. » Marius Nizolius, Antibarbarus seu de veris principiis et vera ralione philosophandi, Francfort, 1674, 1. I, c. il. Cf. Louis Vives, De causis corruptarum artium, Naples, 1761, 1. V, p. 161. Aristote était un « dictateur » , Bacon, De augmentas scientiaruni, Amsterdam, 1681, 1. I, p. xxxiv, que l’on suivait avec entraînement et par emballement plutôt que par similitude de pensée, ut sequacitas sit potins et coitio quam consensus. Bacon, Novum Organon, aphorism. 77. Les scolastiques étaient le servum pecus d’Aristote, Nizolius, op. cit., 1. I, c. i ; victimes d’une véritable àptuTOTEXoiJ.avià. Brucker, Historia critica philos., Leipzig, 1767, period. II, part. II, 1. II, c. iii, sect. m.

2° D’autres plus modérés veulent bien reconnaître qu’en matière dogmatique l'École a donné à la foi la préférence sur Aristote ; mais ils ajoutent qu’en dehors du dogme, elle affirme la suprématie absolue du philosophe païen. « Saint Thomas en psychologie comme en tout autre matière ne s'éloigne pas des leçons de celui qu’il appelle le Philosophe par excellence, à moins qu’il ne soit absolument impossible de le faire accorder avec les dogmes de la foi. s De Rémusat, Le P. Ventura et la philosophie, Milan, 1813, trad. ital., p. 49.

3° Au grief de servilité s’ajoute celui de falsification. Les scolastiques à l’origine ont mal compris Aristote. « Tous les scolastiques s'épuisent en vastes commentaires sur la doctrine péripatéticienne, mais ignorent son véritable esprit. » DeGérando, Histoire comparée des systèmes de philosophie, Paris. 1805, 1. 1, p. 252. c Les Arabes et les scolastiques n’ont lait qu’adopter les idées d’Aristote. sans les développer davantage… et souvent ils les comprennent mal ou les défigurent même. » Michelel, Examen critique de la métaphysique d’Aristote, Paris, 1836, p. 251. La principale cause de cette falsification est dans l’origine arabe des sources auxquelles la scolastique alla nourrir son aristotélisme. i Les ouvrages des philosophes arabes et la manière dont les œuvres d’Aristote parvinrent d’abord au monde chrétien exercèrent une influence décisive sur le caractère que prit la philosophie scolastique. » iMunk, Dictionnaire des sciences philosophiques de Franck, Paris, I8li, art. Arabes. Aussi on se plaint que les célèbres docteurs du moyen âge aient pour la plupart « abandonne ia tradition scientifique en se servant de la philosophie gréco-arabe, c’està-dire de l’Aristote des Sarrasins et des Califes, comme

de leur Seul et presque unique SUCCeSSeur t. Giobirli,

dutione allô studio délia filosofia. Naples, 1846,

t. ii, p. 37. Un dit de saint Thomas qu 1 o il fut un homme du passé ; il marche aveuglément sur les pas d’Aristote et des Arabes surtout >. Ilousselot. Etudes sur lu philo tophiedans le moyen Ige, Taris, 1810 1812, t. iii, p. 12,