Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée
1529
4530
APOLOGÉTIQUE (OBJET)


et expérimentale, l’Église est-elle un fait surnaturel ? Son existence et sa durée demeurent-elles inexplicables par les forces naturelles, les tendances sociales, l’évolution humaine des idées religieuses ? L’apologiste rappelle et commente les paroles du Sauveur, qui imposent une autorité hiérarchique et vivante à la multitude des fidèles ; il montre, par des documents historiques, sa durée ininterrompue et sa forme essentielle, identique depuis les temps apostoliques, malgré les bouleversements des nations, les persécutions des adversaires et les défaillances de ses membres. Cette société apparaît comme une extension de la personne même du Fils de Dieu fait homme, comme le corps dont il est la tête, possédant tous les moyens de salut, et absolument originale dans son essence et dans sa fin, par sa doctrine qui n’a rien de commun avec celle des écoles philosophiques, par ses lois qui n’ont pas pour objet l’acquisition ou la protection des biens temporels et matériels, par son organisme qui n’est pas civil ou politique, mais exclusivement religieux. Elle est proprement et uniquement le royaume de Dieu, si souvent annoncé et promis dans l’Évangile.

II. propriétés de l’église. — On peut, avec M. Didiot, les ramener à trois : 1° caractère social ; 2° perpétuité ; 3° infaillibilité.

1° Elle ne se compose pas de

croyants dispersés ; elle n’est pas une multitude confuse et amorphe, mais un organisme avec des parties spécifiques, des fonctions précises, un sacerdoce, un gouvernement, un chef suprême. — 2° Par son institution, son but, elle doit durer autant que le monde, les causes de transformations ou de ruine qui menacent les sociétés humaines soumises aux vicissitudes du temps ne sauraient changer sa constitution ou menacer son existence garantie par les promeses et l’assistance divines. —3° Indéfectible, elle doit être infaillible, car elle ne peut tromper ses adhérents, en matière de dogme ou de morale religieuses ; elle ne serait plus guide de la croyance et de la conduite si elle était sujette à l’erreur ; et comme ce privilège serait vain et inefficace s’il était réservé seulement à l’épiscopat tout entier dont le concert peut être invisible et la réunion empêchée, Jésus l’a accordé, en des circonstances que les théologiens doivent déterminer, à son vicaire, le souverain pontife.

/II. caractères de l’église. — Au point de vue apologétique, les notes de l’unité, de la sainteté, de la catholicité et de l’apostolicité tiennent la première place : elles sont les signes distinctifs qui permettent de reconnaître, parmi toutes celles qui prétendent à ce titre, la véritable Église de Jésus-Christ. Il faudra donc mettre en lumière cette unité qui résulte du fondement unique et divin sur lequel elle repose ; mais, parce qu’il demeure invisible, il devra apparaître concret et tangible dans la personne de Pierre, et de ses successeurs, pasteurs, docteurs et rois de la société spirituelle. Et puisque celle-ci a pour mission d’appliquer et pour ainsi dire de continuer la rédemption, elle se montrera sainte par la pureté de son enseignement, l’amour de Dieu et des hommes, ses procédés de gouvernement et de propagande, son désir de perfection, la vie et la mort de son fondateur, la merveilleuse floraison d’héroïsme dont elle a donné le spectacle, sa bienfaisante influence sur les mœurs [de l’humanité. Puisque Dieu veut le salut de tous les hommes, que le salut a pour conditions essentielles la foi et la grâce, l’Église sera catholique, embrassant toutes les nations et tous les siècles, mais proprement universelle dans l’espace, dans l’étendue, dans l’application au genre humain tout entier. Sans doute, la résistance des hommes, qui sont libres et détournés par de si nombreux et si puissants obstacles, restreint le fait de cette universalité, mais elle se manifeste par une force d’expansion illimitée et indéfinie, manifestée de toutes les manières et a toutes les époques par l’Église romaine. Enfin, pour qu’elle ait le droit de se déclarer

surnaturelle et d’origine divine, il faut qu’elle se révèle comme apostolique, c’est-à-dire identique à ce pusillus grex que le Sauveur des hommes a réuni autour de lui pour faire la conquête de l’univers. Si son but avait été altéré, sa constitution déformée ou renouvelée, son action modifiée, elle ne serait plus elle-même. Pourtant l’apologiste doit montrer que cette immutabilité essentielle s’accorde avec une évolution inévitable et une adaptation indispensable aux diverses civilisations humaines. La conclusion sera celle-ci : un chrétien doit être catholique.

Il est aisé de voir que toutes les questions qui concernent l’Église n’appartiennent pas à la théologie fondamentale. Celle-ci pose des principes dont l’application constitue une science complexe et très étendue sous le nom de droit canon. La légitimité du pouvoir législatif établie, l’apologiste cède la parole aux moralistes et aux canonistes qui énumèrent, classent, interprètent les lois édictées par l’autorité ecclésiastique et qui règlent les droits, les devoirs, les privilèges des membres de l’Église, en vue de leur fin surnaturelle et de leur nature spirituelle.

III. Lieuxthéologiques.

Un c catholique, avons-nous dit, reçoit, par le ministère de l’Église, les règles de sa croyance et de sa conduite » . Cette affirmation, nettement déduite des considérations qui précèdent, suffirait à un catholique pour croire et pour agir ; mais un théologien ne peut aborder l’étude du dogme ou de la morale s’il ignore les sources où il devra puiser les vérités dont l’enchaînement constitue la science sacrée. Le traité des lieux théologiques sera donc le complément indispensable des deux autres. Il fut souvent remanié et en divers sens depuis le livre célèbre de Melchior Cano. On peut dire qu’il existait déjà, en certains ouvrages, par exemple le traité De verbo Dei scriplo et non scripto, du cardinal Bellarmin, et même virtuellement dans les écrits des Pères tels que le traité De doctrina christiana, de saint Augustin. Il n’est point sans intérêt de rappeler que le P. Perrone faisait rentrer dans ce traité le De Ecclesia Christi, qui est la règle immédiate, prochaine et souveraine de la foi, et donc, le principal lieu théologique. Les lieux éloignés (remoti) seront l’Ecriture et la tradition ; sous le nom de lieux surnaturels, la plupart des auteurs les étudient et certains donnent, avec quelque raison, la première place à la tradition qui suffirait à la rigueur pour transmettre aux hommes la doctrine enseignée par l’Église dans tous les temps et dans tous les lieux. Ils insistent sur les caractères d’universalité et d’antiquité qui en font la valeur, ils l’examinent sous les formes orale, écrite ou monumentale qu’elle revêt. Ils la montrent formulée dans les constitutions des souverains pontifes et des conciles, les symboles et les professions de foi, exprimée par les rites, les prières et les fêtes, conservée dans les écrits des Pères et des docteurs, les actes des martyrs et les systèmes des hérétiques qui la citent pour la combattre. L’épigraphie, l’archéologie, la numismatique la retrouvent dans les édifices sacrés, les inscriptions, peintures, sculptures, médailles, etc.

L’Écriture sainte, qui comprend les livres écrits sous l’inspiration de Dieu, devra être envisagée par l’apologiste, mais d’une façon large et générale. Quelques notions claires et très exactes sur le canon et l’autorité des livres sacrés, l’inspiration considérée dans sa nature et son étendue, les règles d’interprétation, les diverses versions qui les ont mis à la portée des fidèles suffisent amplement. Les questions de détail sont du ressort de l’exégèse.

Les théologiens d’autrefois joignaient à ces sources ce qu’ils nommaient loci mixti et natwralet : vérités philosophiques, principes de droit public, faits psychologiques ou d’expérience externe. On voit tout de suite quel riche trésor est offert au théologien et de quels matériaux éprouvés et précieux il dispose pour élever son édifice.