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APOLOGÉTIQUE (OBJET)

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la nouvelle école, pour laquelle les notes internes — c’est-à-dire celles qui sont inhérentes à la révélation, inséparables de son contenu — sont préférables ou même exclusives, tandis que l'école traditionnelle reste fidèle à la méthode des notes externes, qui éclairent par le dehors la révélation et l’affermissent en lui prêtant l’appui de signes manifestes qui sont liés à la manière dont elle nous est parvenue. Voir Apologétique (méthodes). Le miracle est une matière exigeant des développements et des précisions qui n'étaient pas à ce point indispensables, avant les étonnantes merveilles dues aux applications scientifiques et auxquelles le xixe siècle a dû sa direction et sa marque distinctive. Depuis Houtteville jusqu'à M. Sabatier, la notion en est altérée, et le mouvement contingentisle qui s’est manifesté et propagé dans la philosophie contemporaine nous apporte une confirmation aussi précieuse qu’inattendue. Contre ceux pour lesquels il est un effet insolite des lois cachées de la nature (méconnaissant ainsi l’intervention directe et l'élément divin qui le constitue) ; ou centre les raffinés qui en exténuent la réalité en le réduisant à la relation personnelle d’un fait religieux avec tel ou tel sujet qui, l’atteignant par une expérience interne, le considère comme un témoignage de l’amour spécial de Dieu, il faut revendiquer sa réalité objective et son origine surnaturelle : réalité établie par la critique historique, origine démontrée par la critique philosophique. A ceux qui nient sa possibilité, et que Rousseau voulait « enfermer » comme des aliénés, l’on rappellera que l’ordre de l’univers n'étant pas métaphysiquement nécessaire, la force qui l’anime n'étant pas infinie, sa perfection n'étant pas absolue, il est toujours loisible à Celui qui a créé le monde, de lui communiquer des degrés d'être, principes de grandeur et de beauté, pourvu que les essences des créatures qui composent l’univers ne soient en rien violées ni détruites. Enfin contre ceux qui prétendent « qu’il n’y a pas lieu de croire à une chose dont le monde n’offre aucune trace expérimentale » , E. Renan, Vie de Jésus, préface de la 13e édition, ou qui prétendent que « le miracle ne pourra jamais être constaté, … parce que la constatation suppose une connaissance totale et absolue que le savant n’a point et n’aura jamais, et que personne n’eut au monde » , A. France, Jardin d'Épicure, Paris, 1895, p. 202, il faut démêler les sophismes qui impliquent le complet scepticisme historique ou l’absolu scepticisme scientifique.

Des éclaircissements spéciaux sont exigés pour la prophétie, miracle de l’ordre intellectuel, qui suscite et suggère des difficultés métaphysiques ; d’autant plus qu’elle joue un rôle décisif dans l'économie du christianisme. Confondue avec de vagues pressentiments, une intuition du génie, une inspiration prise au sens artistique ou poétique, elle perd toute sa valeur ; elle n’est plus qu’une excitation spéciale, une exaltation de la sensibilité et un phénomène subjectif dont le hasard ou le parti pris expliquent seuls la réalisation. Il ne sera pas superflu d'éprouver la notion qu’en donnent les théologiens en la rapprochant de la science divine et de la* liberté humaine avec lesquelles elle doit s’accorder.

A. Caractère obligatoire de la révélation. — Cependant, possible et discernable, la révélation ne pourra vaincre la neutralité de l’indifférence ou la résistance rie la volonté que si elle se présente comme un devoir. Est-il nécessaire d’adhérer i une révélation publique et universelle, dont l’origine divine est démontrée ? Cette origine divine, faut-il rechercher si elle est réelle, et par quelle méthode cet examen devra-t-il être institué? Cette obligation morale semble se heurter, en effet, au caractère essentiellement libre de l’acte de foi, et méconnaître la nature du privilège que l’on peut, à son gré', accepter ou refuser. L’apologiste prouvera qu’elle e i une conséquence <ie notre dépendance envers Dieu et de son souverain domaine sur nous. Parce qu’il est

cause première et cause finale, la révélation qui vient de Lui et conduit à Lui est la condition nettement nécessaire comme seul moyen voulu par la providence.

Ce travail fait, la théorie de la révélation est achevée : elle apparaît exempte de contradictions, en harmonie avec les attributs de Dieu et les aspirations de l’homme. Elle est possible, elle serait bienfaisante, mais est-elle vraie ? — A-t-il plu à Dieu d’octroyer aux hommes une religion révélée et, parmi toutes celles qui se donnent comme telles, quelle est celle à laquelle appartient réellement ce caractère, à l’exclusion de toutes les autres ? On répond à cette demande en établissant :

v. l’existence de la révélation. — Pour la démontrer, on peut suivre deux méthodes. — La première consiste à aborder directement la révélation chrétienne : Jésus est un personnage historique au sujet duquel la tradition, l’ensemble des écrits connus sous le nom de Nouveau Testament, les sources non chrétiennes ellesmêmes, nous offrent des renseignements. Or il se présente comme envoyé de Dieu et Dieu lui-même. Les prophéties réalisées en sa personne, les miracles opérés par lui, en sa faveur, ou par ses disciples, l'étude de sa personne et de son œuvre prouvent la véracité de son témoignage. La seconde remonte jusqu’aux révélations primitive et mosaïque, antérieures au christianisme, et n’aborde celui-ci que lorsqu’elle l’a montré suffisamment préparé dans ses origines. Il est évident que la dernière est plus complète, plus conforme à l'évolution qui est la loi des êtres vivants. Elle montre comment se développe le germe contemporain de la naissance de l’humanité, comment il se conserve et grandit. Si à la révélation chrétienne aboutissent les révélations précédentes, si elle est leur raison d'être, leur réalisation, leur perfection, il ne peut être sans intérêt de les considérer d’abord en elles-mêmes. Enfin, au point de vue polémique, l’histoire du peuple d’Israël soulève des questions, suscite des objections qui concernent et combattent indirectement la religion chrétienne. Pour ces motifs, il paraît plus logique et plus scientifique de mettre en pleine lumière les enseignements, les préceptes et les rites qui constituent la religion judaïque.

Sans désapprouver la première méthode qui, étant plus courte, ramasse les arguments et en concentre les forces, qui ne complique pas la démonstration en y mêlant des éléments étrangers, qui n’exige pas l’appareil exégétique et les connaissances philologiques que réclame la seconde, nous croyons utile de résumer celle-ci et de montrer la liaison des diverses parties dont elle se compose.

1. Révélation primitive.

Plusieurs autours y distinguent trois époques : 1° d’Adam à Noé ; 2° de Noé à Abraham ; 3° d’Abraham à Moïse. Ce serait par une pétition de principes qu’on alléguerait comme révélés les enseignements et les préceptes contenus dans le Pentateuque, mais la tâche de l’apologiste consiste à montrer que les lois positives et les vérités doctrinales présentées en cet ouvrage, comme révélées, possèdent réellement ce caractère ; et cette démonstration se fait, d’abord négativement, parce qu’elles ne contiennent rien de contradictoire, d’impossible, d’indigne de la sagesse et de la bonté suprêmes, mais au contraire qu’elles conviennent à merveille aux concepts les plus épurés de notre intelligence sur Dieu, l’homme et la religion, qu’elles sont des secours pour notre faiblesse et augmentent la dignité de notre nature ; ensuite, positivement, parce que des prophéties et des miracles incontestables attestent que Dieu les a vraiment révélées. On en conclut que cette religion naturelle, dans les limites de laquelle les rationalistes et les naturalistes voudraient nous enfermer, ne fut jamais qu’une construction abstraite de l’esprit, n’a jamais existé seule et séparée d’un culte positif.

2. Révélation mosaïque.

Elle comprend des dogmes qui ne sont guère aulre chose que la claire affirmation