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ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE


ture ; c’est, d’autre part : l'épigraphie avec ses expressions funéraires et ses formules de prières pour le repos de l'âme, témoins irrécusables de la foi des anciens chrétiens ; avec ses indications historiques et topographiques, précieuses pour l’histoire des martyrs, des papes, d’autres grands personnages, et même des édifices sacrés. — Certains archéologues, il est vrai, refusent de considérer l'épigraphie en général, païenne ou chrétienne, comme une branche de l’archéologie et la rattachent simplement à la littérature : les inscriptions ne sont-elles pas des textes gravés sur le marbre au lieu d'être écrits sur le parchemin ou sur le papyrus ? Cette opinion, mise en avant par une école allemande moderne, qui voudrait ne faire rentrer dans l’archéologie que les seuls monuments figurés, est inadmissible. Les inscriptions, si elles ont avec les textes écrits certains caractères communs, n’en sont pas moins de vrais monuments au sens propre du mot ; d’ailleurs, à la différence des textes littéraires, elles font toujours partie d’un monument.

Sur l’art chrétien et l'épigraphie nous ne donnerons ici que des indications générales, réservant pour des articles spéciaux (voir Art chrétien primitif, Épigraphie chrétienne) des explications plus détaillées sur le symbolisme des fresques des catacombes et des sarcophages, la forme architecturale des cimetières souterrains, des cryptes et des basiliques, leur décoration, les inscriptions dogmatiques et historiques, etc.

II. Sources de l’archéologie chrétienne. —L’archéologie chrétienne s’alimente en partie aux mêmes sources que l’histoire ecclésiastique et l’histoire de l’ancienne littérature chrétienne. Sans parler des livres du Nouveau Testament, elle utilise fréquemment les écrits des apologistes du christianisme et ceux des Pères de l'Église. Mais elle a aussi des sources tout à fait spéciales, dont les plus importantes' sont les actes des martyrs, — les martyrologes, — les calendriers, — les lïbri pontificales des différentes églises, — les sacramentaires ou anciens missels e. les autres livres ou fragments liturgiques, — les anciens recueils d’inscriptions, — enfin, pour ce qui regarde la topographie de certains monuments, les itinéraires des pèlerins et des anciens visiteurs.

Il est indispensable de recourir à ces sources pour l’explication des monuments épigraphiques et artistiques.

Enfin on peut considérer comme sources de l’archéologie chrétienne les livres des premiers archéologues ; ils nous fournissent parfois des renseignements précieux sur des monuments qui après eux ont disparu ou sur quelque découverte faite de leur temps.

III. Histoire sommaire de l’archéologie chrétienne. — [.jusqu'à de nossi. — L'étude de l’archéologie chrétienne commença bien plus tard que celle de l’archéologie païenne.

Au moment de la renaissance littéraire qui marqua la fin du XV » siècle, on se prit à interroger les documents des archives et les livres des auteurs classiques, et à imiter dans l’art les monuments de l’antiquité. Les humanistes furent ainsi amenés à s’occuper d’archéologie. Nous pouvons compter parmi les premiers archéologues Pomponio Leto et ses disciples, membres de la Célèbre Académie romaine. Après eux, de nombreux savants étudièrent la topographie, l'épigraphie, la numismatique, d’une manière générale les mœurs et coutumes des anciens Romains. Mais ces savants n’eurent pas le moindre souci de l’archéologie chrétienne. Pomponio Leto fréquenta les catacombes romaines sans attacher aucune importance à leurs monuments ; on n’aurait même pas 'soupçonné ses visites à res vénérables hypogées si l’on n’avait pas retrouvé son nom écrit au charbon sur les parois de plusieurs cryptes.

Si quelques-uns, comme Poggio Fiorentino et Ciriaco

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

d’Ancona, donnent parfois dans leurs livres des indications sur les antiquités chrétiennes, c’est tout à fait en passant, et leurs remarques sont superficielles. Evidemment ces archéologues n’avaient pas de goût pour des monuments qu’ils traitaient de barbares. Chose plus étonnante et non moins regrettable, les théologiens ne pensèrent même pas que leurs arguments pouvaient tirer une nouvelle force des monuments de l’archéologie sacrée. Il n’est donc pas surprenant que les catacombes romaines soient restées tout à fait abandonnées. A l’exception de quelques galeries que les pèlerins visitèrent, de tout temps, au-dessous de l'église de SaintSébastien et près de la basilique de Saint-Laurent-hors-lesMurs, toute l’immense nécropole souterraine était à peu près inconnue. On y pénétrait de temps à autre à travers des trous, mais par simple curiosité et sans aucune préoccupation de recherche scientifique.

Les premières traces d’investigation sérieuse se rencontrent dans le remarquable livre que publia, en 1568, le célèbre moine augustin Onofrio Panvinio : De ritu srpeliendi mortuos apnd veteres christianos et de eorum cœmeteriis.

La Réforme protestante du xvie siècle devait nécessairement appeler sur les antiquités chrétiennes l’attention des catholiques et aussi celle des protestants. Puisque ceux-ci prétendaient faire revenir l'Église à sa simplicité primitive, et que ceux-là assuraient qu’elle ne s'était jamais écartée des croyances dogmatiques professées à l’origine, les uns et les autres ne pouvaient invoquer de meilleurs témoins que les monuments mêmes laissés par les premiers chrétiens. C’est ce que cherchèrent d’abord à faire, au profit de la Réforme, les auteurs des Centurise de Magdebourg, Bâle, 15591574, suivis bientôt après par Bebel, professeur à Strasbourg, Antiquitates iv sseculorum evangelicorum, Strasbourg, 1669 ; Queenstedt, Antiquitates biblicæ et ecclesiasticse, Wittemberg, 1699, et par plusieurs autres. Tous furent dépassés en science et en érudition par l’Anglais Joseph Bingham dans ses Origines ecclesiasticm or tlie antiquities of th, clirislian Church, Londres, 1708-1722 ; quoique protestant, cet auteur ne se laissa pas aveugler par l’esprit de parti autant que ses devanciers. Le défaut de tous les écrivains de la Béforme, c’est l’ignorance des monuments des catacombes romaines, ignorance inexcusable, car l’ouvrage de Bosio avait déjà paru.

Du côté des catholiques, le premier qui chercha à réfuter, en se plaçant sur le même terrain, les erreurs des « Centuriatores » , fut Baronius, dans ses Annales ecclesiastici, Rome, 1588-1607. Baronius n'était pas archéologue, mais il avait appris à l'école de saint Philippe de Néri l’amour des anciens monuments chrétiens ; et la découverte inattendue d’une partie presque intacte d’un ancien cimetière chrétien sur la via Salaria (31 mai 1578) lui avait donné un vif sentiment de l’importance des catacombes romaines au point de vue de la controverse. Son ouvrage, d’ailleurs strictement historique, a une réelle importance archéologique ; il est, à cet égard, bien supérieur à tous les ouvrages des protestants. Ses conclusions ont été groupées et mises en évidence par Schulting, Epitome annalium eeclesiasticorum. Daronii continens thesaurum sacrarum anliquitatum, 1603.

Presque en même temps, un but analogue était poursuivi par Molanus, De historia semetarum imaginum ei picturamm, pro vero earum cultu contra abusus, 1570 et 1591 ; Grctzer, De cruce Jesu Cliristi, Ingolstadt, 1608 ; Borromeo, De piclura sacra, 1634.

Les catacombes romaines, ce berceau vénérable du christianisme, renfermaient encore, malgré tant de ilècles d’abandon et de dévastation, des trésors, uniques au monde, d’art et d'épigraphie primitive. L'étude spéciale, attentive, faite sur place, de ces monuments fut

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