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ARCANE


(remotis procul profanis omnibus), Lucius est revêtu d’une robe de lin écru, et le prêtre, le prenant par la main, le conduit dans le plus profond du sanctuaire. « Lecteur attentif, poursuit le héros, tu me demanderas peut-être avec émoi ce qui s’est dit ensuite, ce qui s’est fait. Je le dirais, s’il était permis de le dire ; tu l’apprendrais, s’il t'était permis de l’entendre. Mais le péché serait égal pour les oreilles et pour la langue coupables d’une telle témérité. Pourtant, si le désir qui t’inspire est religieux, je ne te tourmenterai pas d’une angoisse prolongée. Écoutedonc : crois, voici la vérité. J’ai touché à la frontière de la mort, mon pied a foulé le seuil de Proserpine, et j’en suis revenu à travers tous les éléments : en pleine nuit, le soleil m’est apparu étincelant d’une lumière blanche : les dieux de l’enfer, les dieux de l’Empyrée, je me suis approché d’eux et je les ai adorés de près. Voilà, je t’ai rapporté [ce que tu voulais savoir], tu as entendu, mais il est nécessaire que tu ignores. » Apulée, Metamorph., XI.

Le culte de Mithra, originaire de Perse, ne se propagea pas dans le monde grec, et ne se manifesta à Rome que sur la fin du 1 er siècle de notre ère. Mais très répandu parmi les soldats orientaux, il est porté par eux en Mésie, en Dacie, en Pannonie, en Germanie, en Belgique, en Bretagne, en Afrique, en Espagne. A Rome même, vétérans et esclaves orientaux concourent puissamment à l’acclimater et à le propager dans la société la plus haute. « Ce mazdéisme réformé a manifestement exercé sur la société du IIe siècle une attraction puissante, dont nous ne pénétrons aujourd’hui qu’imparfaitement les causes » (Cumonl). L’empereur Commode se fit initier et prit part aux cérémonies sanglantes de la liturgie mithriaque. Des tribuns, des préfets, des légats, des perfcctissimi et des clarissimi nommés dans l'épigraphie mithriaque, témoignent que l’aristocratie romaine était largement représentée parmi les cul tores solis invicti Mitlirse. Le culte de Mithra ne fut jamais persécuté, et il semble même avoir été favorisé très particulièrement par les empereurs depuis Commode. Toléré sous Constantin, restauré par Julien, il fut supprimé par Théodose, mais les violences qui accompagnèrent cette suppression prouvent qu’il était bien vivace encore. Comme le culte d’Isis, celui de Mithra eut ses sodaliria, ses sanctuaires (mithrsea), un clergé, une liturgie, des mystères. Un texte de saint Jérôme, confirmé' par l'épigraphie, nous apprend qu’il y avait sept degrés d’initiation et que l’initié acquérait successivement les litres de corbeau, d’occulte (cmphiits), de soldat (miles), de lion, de perse, de courrier du soleil et de père. Epist., cxii, 2, ad Lœtam, P.L., t. xxii, col. 8C9. Le nombre sept ('tait sacré. Mais ni les corbeaux, ni les occultes, ni les soldats ne participaient aux mystères, il fallait être lion pour être participant (o’c ne-é/ovre ;). Les pères étaient les chefs, et les initiés placés sous leur tutelle s’appelaient entre eux frères. Les grades inférieurs étaient accessibles aux enfants. L’initiation s’appelait sacramentum, parce que l’initié y jurait de ne pas divulguer les secrets et les rites qui lui étaient divulgués. Elle était accompagnée d’ablutions multipliées, destinées à purifier des souillures morales. Le miles était marqué au front, probablement au fer chaud. Le lion avait les mains ointes de miel. On servait à l’initié du pain et de l’eau mêlée de viii, sur lesquels le prêtre pronom ut des paroles sacrées. Les initiations avaient lieu de préférence au printemps « à peu pies à l'époque pascale où les chrétiens admettaient pareillement les catéchumènes au baptême (Cumont), Mais les hommes seuls étaient admis à l’initiation mithriaque, les femmes en étaient exclues. Nous avons résumé F. Cumont, Textes et monuments figurés, relatifs aux mystères de Mithra, Bruxelles, 1899, 1. 1, introduction.

Les Éleusinies, qui étaient depuis le ive siècle avant

notre ère l’institution religieuse la [dus vénérée de i.i

le i terent jusqu'à la fin 'lu paganisme : les édita

de Théodose interdisant le culte païen n’eurent pas raison d’elles, et il fallut l’invasion des Goths en Attique, en 396, pour ruiner Eleusis à jamais. L’initiation aux mystères, qui, à l’origine, avait été un privilège des citoyens d’Athènes, s'était étendue à tous les Grecs, puis à tous les étrangers qui n'étaient point des barbares : au témoignage de Cicéron, on venait des contrées les plus lointaines à Eleusis pour se faire initier : Eleusinam sanctam illam et augustam, ubi initiantur génies orarum ultimse.Denat.deor., i, H.Le premier degré de l’initiation initiait aux petits mystères, et on pouvait y être initié dès l’enfance : le rite consistait en une purification ou lustration accomplie sur les bords de l’Ilissus, et aussi en un enseignement élémentaire du mythe de Déméter et de sa fille Coré. Il fallait attendre un an au moins avant d'être admis au deuxième degré. Un sacerdoce hiérarchisé et nombreux de prêtres et de prêtresses accomplissait les rites de l’initiation. Quiconque participait aux Éleusinies portait le nom de trJa-rv-, ;, mais les initiés aux grands mystères portaient celui de pôiizr, ;, le premier degré étant la [A-j^a-cç et le second l’sTroTtTEÎa. Au premier jour des Éleusinies, le 15 broédromion (septembre), les mystes s’assemblaient sous la conduite de leurs mystagogues dans un portique : l’ordre était donné de se retirer à tous ceux qui, barbares, homicides ou impies, étaient exclus ; la recommandation faite aux mystes d’avoir les mains et l'âme pures ; et on leur intimait l’obligation absolue du secret. Le lendemain, les candidats à l’initiation se rendaient au bord de la mer pour se purifier par des ablulions dont le nombre et le mode variaient selon la nature des fautes dont le candidat avait à se laver. Les fêtes duraient au total neuf jours, neuf jours de jeune pour les mystes ; les trois derniers jours seuls étaient réservés aux mystères proprement dits. La nuit du 21 commémorait le deuil de Déméter après l’enlèvement de sa fille : c'était au soir du 21 que les mystes buvaient le cycéon mystique, du vin dans une coupe, et mangeaient des gâteaux de sésame et de farine de blé. Les deux nuits du 22 et du 23 étaient consacrées aux spectacles mystiques qui constituaient l'èuoTiTsca : elles portaient le nom de ravi ; -/fç, 71avvu/cos ;. Ces spectacles, coupés de chants, étaient des tableaux muets, où prêtres et prêtresses tenaient les rôles des dieux, où la voix de l’hiérophante s'élevait seule pour expliquer le tableau : le sujet de ces tableaux était la légende de Déméter et de Coré. Clément d’Alexandrie a résumé en quelques lignes l’ensemble du culte d’Eleusis : « Dans les mystères des Grecs, dit-il, ont lieu d’abord les purifications. Viennent ensuite les petits mystères, qui renferment un certain fondement d’instruction et une préparation à ce qui doit suivre. Quant aux grands mystères dans toute leur teneur il ne reste plus rien à apprendre, il n’y a qu'à contempler (âirorcreûeiv) et à concevoir. » Stroni., v, 11, /'. G., t. îx, col. 108. L’initié ('lait tenu au secret sur ces nuits mystiques, Jadis le révélateur (Hait puni, comme le profanateur, de la peine capitale et de la confiscal ion. Quand ces sanctions terribles eurent disparu, le secret se maintint religieusement encore, et aux auteurs chrétiens nous devons les

révélations qui expliquent les discrètes ou énigmatiques

expressions des anciens. Au VI » siècle de notre ère. le

rhéteur Sopater donnait ce sujet de développement à ses

('levés : « La loi punit de mort quiconque aura révélé les mystères : quelqu’un, à qui l’initiation s’est montrée dans un rêve, demande à l’un des initiés si ce qu’il a vu est conforme à la réalité ; l’initié acquiesce par un signe de

tète, et c’est pour cela qu’il est accusé d’impiété. « Nous

avons rési ' F. Lenormant, art. Eleusis, du Dictionnaire des antiquités.

Nous saisissons le caractère du secret imposé à l’initié tel que la religion et les mœurs l’onl consacré : il est absolu connue un serment et plus religieux encore. Dans Apulée, Metamorph., m. une femme qui demande le