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ARCANE

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montrerons plus loin. Mais sa théorie de l’arcane, origine et extension, est la théorie vraie. De usu Patrutn ad ea definienda religionis capila, qux sunt fwdie controversa, Genève, 1086, cité par Huyskens, p. 9, 10.

Mais tout fut obscurci pour longtemps par l’intervention de E. Schelstrate, ancien préfet de la bibliothèque du Vatican, chanoine d’Anvers (on en a fait à tort un jésuite). C’est lui qui reprit l’opinion d’Estius et la systématisa. L’arcane devint une discipline instituée par le Christ et pratiquée depuis le temps même des apôtres : le dogme de la trinité, le dogme et le rite de la messe et des sacrements, étaient l’objet propre de l’arcane, comme c’est à l’arcane qu’il faut attribuer le fait que nous savons si peu de chose sur le nombre des sacrements, sur le culte des saints, sur la transsubstantiation, etc. Schelstrate développait incidemment ces considérations dans deux livres, Antiquitas illustrala circa concilia, etc., Anvers, 1678, et Commentatio de Anliocheno concilie/, Anvers, 1681. Le protestant W. E. Tentzel réfuta Schelstrate dans une Disse)’talio de disciplina arcani, Wittemberg, 1683, où il reprit en les brouillant les opinions de Casaubon et de Daillé : l’arcane était, à ses yeux, une discipline introduite vers la (in du second siècle et imitée des mystères païens. Schelstrate répondit par une dissertation De disciplina arcani, 1685, à laquelle Tentzel opposa des Animadversiones, le tout réuni par Tentzel dans ses Exercitationes selcclæ, Francfort, 1692. A cette mêlée prit part C. Kortholt, Silentium sacrum sive de occultations mysteriorum apud vetercs christianos, Kiel, 1689, appuyant Tentzel. Et l’on pourra voir dans Huyskens, p. 16-22, la littérature de cette controverse du côté protestant, avec G. Langemack, Historia catecheticx, Stralsund, 1729 ; Bingham, Pfaff, déjà cités ; Crueger, De veterum christianorum disciplina arcani, Wittemberg, 1727 ; J.-.I. Zimmermann, Oratio de disciplina arcani, dans sa Tempe helvelica, Zurich, 1736 ; J.-L. Mosheim, Institut, historiée ecclesiasticse, Helmstadt, 1755 ; E. Stoeber, De sacris veterum christianorum arcanis, Strasbourg, 1742 ; J.-L. Scbedius, De sacris opertis christianorum, Gœttingue, 1790. Schelstrate, du côté catholique, était appuyé par Scholliner, Disciplina arcani, Tegernsee, 1756 ; Ruggieri, De ecclesiaslica hicrarchia et de disciplina arcani, Rome, 1766 ; Rucziczka, De disciplina arcani, Olmutz, 1776, etc. En France, l’arcane était défendu par Moissy, La méthode dont les Pères se sont servis en traitant des mystères, Paris, 1685 ; par Vallermont, Du secret des mystères, Paris, 1710, etc. Huyskens n’a pas connu la dissertation du P. Merlin, qui donne mieux qu’aucune autre, scmble-t-il, une idée de la dégénérescence du débat.

Le P. Merlin, jésuite († 1747), auteur d’un Traité historique et dogmatique su>' les paroles ou les formes des sept sacrements de l’Eglise, conclut de la lettre du pape Innocent à l’évéque d’Eugubio, qu’au V siècle « on ne voyait point encore ni pontificaux, ni sacramentaires, etc. » et « qu’il n’était pas permis, même à un évéque écrivant à un évâque, d’énoncer les termes qui constituent la forme des sacrements » . Les diverses formes des sacrements ont été immuables « dans toutes les églises chrétiennes du même rit » durant les sept premiers siècles, et « elles doivent encore maintenant être les mêmes » . Ces formes qui devaient être fort courtes, devaient exprimer « renonciation purement indicative du principal effet du sacrement » . Le P. Merlin estime que « cela suit nécessairement » . Pour n’avoir pas réfléchi à cette loi, dit-il, « quelques critiques ont commencé à faire parade d’une érudition évidemment fausse, qui impute à tjute l’antiquité d’avoir administré la plupart des sacrements avec des formules déprécatives. » Eu réalité les traitaient les formules sacramentelles de prières p<>ur ne point révéler ce qu’elles liaient. El de n ils ne prononçaient pas le nombre des sacrements, car « avant le xii° siècle nul auteur ecclésiastique n’a marqué dans ses ouvrages le nombre précis des sacrements » . La forme authentique du baptême est restée pendant cinq siècles un secret « fidèlement gardé dans les écrits des saints Pères » , et le « Saint-Esprit a eu soin que dans l’Evangile même la première des sept formules sacrées fût aussi cachée qu’aucune autre » . C’est seulement au xiie siècle que l’on commença « à se gêner un peu moins dans les écrits où l’on traitait de ce qui regarde les sacrements » . Si les paroles de la consécration sont souvent reproduites par les Pères, « c’est que la qualité de forme sacramentelle, et la vertu qui est dans les paroles, de changer le pain et le vin au corps et au sang de Jésus-Christ, demeurent cachées à des lecteurs profanes. » Mais pour l’absolution sacramentelle, rien n’est révélé avant le xiie siècle. Autant pour l’extrème-onction, etc.

Huyskens n’a pas connu, non plus, les embarras où la défense de l’arcane ainsi conçu jette un théologien aussi informé que le jésuite Zaccaria. Le P. Zaccaria (1714-1795), dans son intéressant traité De usu librorum liturgicorum in rébus theologicis, où il définit avec justesse quelques règles de la méthode positive, essaie moins heureusement de montrer comment le silence des livres liturgiques n’est pas nécessairement la preuve qu’une institution, rite ou forme, n’existe pas de leur temps. Car, dit-il, pareil silence peut être une omission accidentelle d’un copiste, ou il peut être l’effet de la discipline de l’arcane. Il produit comme exemple le silence du sacramentaire grégorien en ce qui concerne la forme du sacrement de confirmation ; il cite Martène posant en fait que les premiers rédacteurs dessacramentaires n’y ont pas consigné les formes des sacrements. A quoi le célèbre Berti, augustin, objecte judicieusement qu’il ne comprend pas comment la discipline de l’arcane s’étendait jusqu’à des sacramentaires qui se conservaient dans le trésor des églises et que seuls maniaient les membres du clergé. Zaccaria répond qu’il y avait toujours à craindre que les livres conservés dans le trésor des églises fussent par des mains coupables livrés aux païens. Comment alors, répond le P. Berti, osait-on consigner dans les sacramentaires, par exemple dans le sacramentaire grégorien, les paroles de la consécration, la formule du baptême, le rituel des ordinations, toutes choses qu’il convenait d’ensevelir dans l’arcane ? Le P. Zaccaria répond à cela que la discipline de l’arcane s’était relâchée sur certains points et pas sur d’autres. M igné, Theolog. cursus, t.v, col. 281-282.

En dépit de difficultés si sensibles, la doctrine de l’arcane est demeurée en possession, auprès des théologiens catholiques, du crédit que lui avait valu Schelstrate. La Prompta bibliolheca de Ferraris renchérit sur Schelstrate. Elle cite le sentiment de Ferd. Mendoza sur le canon 36 d’Elvire, avançant que les anciens ne révélaient pas les mystères aux seuls païens et catéchumènes, mais encore aux fidèles, ipsis christianis jam perfectis, ni episcopi estent vel sacerdotes judicio et auctoritate graves. Elle fait remonter l’origine de cette discipline au Christ lui-même. Elle ne concède pas à Schelstrate qu’elle ail disparu en Orient à la fin du v 5 siècle, et en Occident au vi, mais elle veul qu’elle ait disparu peu à peu des diverses églises. Ferrai is, art. Arcani disciplina. Le Kirchenlexikon, " édit., sous la signature de Eïefele, est plus mesuré’, mais il maintient l’existence de la discipline du secret dans l’Eglise primitive et jusqu’au v siècle, dans les termes menus de Schelstrate. Dictionnaire de la théol. cathol., de Wetzer et Welle, ir ; „i, Goschler, t. vi, Paris, 1859, p. 382. Wandinger conserve le même sentiment dans la seconde édition du Kirchenlerikon, Fribourg-en-Brisgau, 1882,

t. I, col. 1234-1288. Pareil sentiment eheI. Punk,

Lehrbuch der Kircheng’eschichte, Roltenburg, 1890, p. 56. Huyskens, p. 32-33, cite dans le même sens le