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ARBITRAGE


adopté le principe de l’arbitrage international, mais a décrété l’institution d’un tribunal permanent destine à résoudre les conflits entre nations, et a déterminé la procédure à suivre dans ces cas généralement si complexes. Cela ne veut pas dire, comme plusieurs l’ont écrit, que désormais il n’y aura plus de guerres entre les nations civilisées, car, avant même que le tribunal ne fût organisé, une guerre éclatait qui a déjà duré plus d’un an ; mais enfin c’est un pas en avant que les vrais chrétiens ne peuvent qu’approuver.

3. Conditions essentielles de l’arbitrage.

Il ne nous appartient pas évidemment d’expliquer ici en détail la législation civile ou canonique sur ce sujet ; on peut consulter là-dessus les ouvrages de droit. Disons seulement ce que requiert le droit naturel. Tout d’abord l’arbitre, qu’il soit choisi par les parties intéressées ou déterminé par la loi, doit avoir les qualités essentielles d’un juge, c’est-à-dire, du côté de l’esprit, une intelligence suffisante pour connaître la cause ; du côté de la volonté, une indépendance et une intégrité qui assurent l’impartialité de la sentence. Sans la première condition, le jugement ne serait pas suffisamment éclairé ; sans la seconde, il risquerait d'être injuste. Le compromis doit nettement expliquer les questions en litige, les noms des arbitres, et les conditions sous lesquelles la sentence sera rendue et acceptée ; sinon, il y aurait encore lieu à de nouveaux conflits. L’arbitre n’est pas tenu de suivre la procédure ordinaire des cours de justice, à moins que le compromis ou la loi ne l’aient formellement déclaré ; mais il doit entendre impartialement les deux parties ou leurs représentants, leur donner le temps et les moyens d’exposer leur cas en toute liberté, et ne prononcer le jugement qu’après avoir pris une connaissance sérieuse du litige et des raisons alléguées pour ou contre. La sentence doit être respectée ; toutefois, si l’une des parties en litige était convaincue en toute sincérité que la sentence est injuste, elle n’est pas tenue de l’exécuter avant d’avoir eu recours à un autre arbitre ou aux tribunaux réguliers.

II. Arbitrage dans les conflits entre patrons et ouvriers. — 1. Son utilité spéciale. — Il est évident que l’arbitrage est d’autant plus utile que les conflits qu’il a pour mission de prévenir ou de résoudre sont plus nombreux et plus acharnés. Or il est certain qu’entre ouvriers et patrons, il y a depuis un siècle des luttes presque constantes. La cause principale est la révolution industrielle qu’ont produite l’introduction des machines et la création de vastes ateliers. Autrefois le patron n’occupait qu’un petit nombre d’ouvriers qui, à leur tour, espéraient devenir patrons ; pour cela, ils n’avaient besoin que de leurs outils et d’un tout petit capital ; aussi ils ne jalousaient guère le maître qui, la plupart du temps, travaillait avec eux, et était membre de la même corporation. Aujourd’hui, c’est par centaines et par milliers que les travailleurs se trouvent réunis dans les mêmes ateliers, sous la direction de quelque contremaître et d’un chef unique ; ils n’ont, faute de capital, aucun espoir de devenir patrons à leur tour ; souvent ils ne possèdent même pas leurs outils ; quand même ils les posséderaient, ils ne peuvent évidemment soutenir la concurrence avec un grand établissement qui peut se procurer les machines les plus perfectionnées. De plus, ils n’ont souvent aucune relation directe avec leurs maîtres ; de là des malentendus inévitables. Ils s’imaginent aisément qu’ils sont exploités par ce patron qui vit dans le luxe, taudis qu’eux ont à peine de quoi vivre ; cette persuasion est parfois augmentée par la cupidité de certains industriels qui, voulant à tout prix s’enrichir vite, réduisent les salaires à un minimum vraiment insuffisant. Parfois aussi une crise industrielle amène un temps de chômage ou une réduction de Balaire. De là des méfiances, des haines i r qu’attisent souvent îles meneurs peu scrupuleux ; de là

des grèves suivies de pertes considérables pour les patrons comme pour les ouvriers. L’absence de sentiment religieux aggrave encore ces difficultés ; du moment qu’on ne croit plus aux récompenses éternelles, il faut bien se faire un petit ciel sur terre, et si on ne peut y réussir, c’est le patron qui en est la cause. Il est évident qu’avec de telles dispositions la conciliation et l’arbitrage deviennent tout particulièrement utiles, précisément parce que ces malentendus ne peuvent s'éclaircir que par des explications franches et loyales. Qu’un patron, par exemple, se voie obligé, à cause d’une invention nouvelle ou de la concurrence étrangère, de diminuer, au moins momentanément, les salaires ; s’il le fait sans soumettre la question à un conseil de conciliation ou d’arbitrage, les ouvriers ne seront que trop portés à croire que ce n’est là qu’un prétexte pour les exploiter, et se mettront en grève. Que la question soit au contraire soumise à un conseil composé de patrons et d’ouvriers, que l’on montre, chiffres à l’appui, qu'à moins de diminuer les salaires pendant un certain temps, on sera obligé de fermer les ateliers, que d’ailleurs la crise n’est que temporaire ; généralement les ouvriers auront assez de sens pour comprendre qu’il vaut mieux subir cette réduction que d’en venir à une mesure également ruineuse pour les uns et pour les autres.

2. De l’arbitrage dû à l’initiative privée.

C’est surtout en Angleterre que se sont développées les institutions de conciliation et d’arbitrage, dues à l’initiative privée. C’est en effet le pays des grandes associations ouvrières (trade unions) : en 1893, on comptait 1270789 travailleurs enrôlés dans 677 unions et ayant à leur service un revenu de 50 millions de francs. Or c’est précisément lorsque le nombre des ouvriers est plus considérable, et qu’ils sont plus fortement organisés, que les grèves sont plus à craindre et l’arbitrage plus nécessaire. Deux hommes ont surtout contribué à le rendre populaire, Mundella et Kettle. Le premier, ancien ouvrier devenu propriélaire d’une des fabriques de bonnettene de Nottingliam, remarquant que dans cette industrie il y avait souvent des grèves, fonda en 1860 un conseil d’arbitrage et de conciliation composé d’un nombre égal d’ouvriers et de patrons : si quelque difficulté se présente, elle est d’abord examinée par les deux secrétaires du conseil ; si elle ne peut être résolue par eux, elle est soumise à un comité d’enquête composé de quatre membres ; enfin, si ceux-ci ne tombent pas d’accord, la question est posée devant le conseil d’arbitrage composé de onze patrons et. d’un nombre égal d’ouvriers. Le second, M. Kettle, un juge anglais, organisa eu 1864, à Wolverhampton, un conseil d’arbitrage sur un plan différent : toute contestation générale est réglée par une sentence de huit arbitres, quatre patrons et quatre ouvriers, et si une majorité ne se forme pas, un tiers arbitre décide : c’est un magistrat ou toute autre personne inspirant confiance aux deux parties. Si la difficulté est d’un caractère privé, elle est soumise à deux arbitres, el ce n’est qu’en cas de désaccord qu’elle est portée devant le conseil. Sur le modèli

(le ees deux conseils une multitude d’autres se sont formés en Angleterre, et les résultats ont été excellents. Sans doute il y a encore des grèves, mais elles ont beaucoup diminué. En 1894, sur I 733 questions soumises à ces conseils, 3(58 ont été retirées, 1 142 résolues par h » conciliation, et 223 par l’arbitrage ; celle même année, 19 grèves ont été terminées par la conciliation, et i’A par l’arbitrage. Quand tous ees moyens ont échoué, l’influence d’une liauie personnalité, respectée des deux parties, peut

ne Hre fin aux confits les plus aigus : en 1889, le cardinal

Mfanning lit cesser, par son heureuse intervention, la grève si désastreuse des docks de Londres, qui avail I

-.nitravail 250000 ouvriers et suspendu le commerce maritime de la grande cité. Lemire, /.< cardinal Ma ning, l 'dit., Paris, 1894, p. 101 Mi. Lu Belgique aussi, les conseils de conciliation et