Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée
4721
1722
A PRIORI, A POSTERIORI


fions libres de Dieu ad extra les jugements qui les affirment ne peuvent cire qu’a posteriori. En effet, on ne saurait les trouver dans l’analyse de l’idée de Dieu qui implique la liberté et donc l’indifférence à l’endroit de pareilles opérations. Le fait seul établit ces opérations dans le passé, comme la révélation seule les fait prévoir pour l’avenir. Quand je dis : « Dieu a apparu à Moïse sur le Sinaï, Dieu a parlé aux prophètes, Dieu nous a envoyé son Fils, Dieu ressuscitera les corps des hommes, » ces propositions sont a posteriori, et elles le sont nécessairement parce que seule l’attestation de Dieu ou la manifestation du fait en lui-même peuvent nous les inspirer.

IV. L’A PRIORI ET L’A POSTERIORI DANS LE RAISONNE-MENT dogmatique. — 1° Il existe entre les causes et les effets un lien étroit qui permet au raisonnement de démontrer les uns par les autres. Quand le raisonnement démontre un effet par sa cause, par exemple l’immortalité de l’âme par sa spiritualité, il est a priori. Quand il prouve une cause par son effet, par exemple la spiritualité de l’âme par celle des opérations intellectuelles ou libres, il est a posteriori. Ces dénominations sont légitimes, car il y a entre la cause et l’effet un rapport de succession qui fait que la cause précède et que l’effet suit. Descendre de la cause à reflet dans le discours, c’est donc aller a priori ad poster lus, remonter de l’effet à la cause, c’est aller a posteriori ad prias. Démontrer une propriété par une autre propriété qui ne lui est ni antérieure, ni postérieure, mais qui lui est parallèle et essentiellement unie, également démontrer un effet par un autre effet parallèle de la même cause, c’est raisonner a simullaneo. Cette dernière méthode de raisonnement est rare, parce que les propriétés d’un même être s’enchaînent habituellement dans un ordre harmonique de dépendance et de subordination, et que les effets d’une même cause sont souvent produits les uns par le moyen des autres ; dès lors, le raisonnement est a priori ou a posteriori suivant qu’il va des qualités principales aux qualités subordonnées, des effets intermédiaires aux effets lointains, ou bien des qualités subordonnées aux qualités premières, des effets lointains aux effets immédiats. Cependant on appelle parfois argument a simullaneo celui qui consiste à prouver l’existence de Dieu par son inlinité et sa perfection. C’est l’argumentation attribuée à Descartes et à saint Anselme dont nous avons parlé plus haut.

2° Que l’existence de Dieu ne puisse être démontrée par des arguments a priori allant de la cause à l’effet, la chose est évidente pour tous et n’a pas été contestée, puisque Dieu étant la cause première ne peut pas être effet. Son existence ne saurait donc être démontrée en partant d’une cause dont elle serait le produit.

3° Que l’existence de Dira se démontre a posteriori, c’est-à-dire en remontant des créatures au créateur, des effets finis a la cause infinie, c’est une doctrine certaine. ridant cette doctrine peut revêtir deux formes : l’une hardie et contraire à la raison philosophique, l’autre traditionnelle et dogmatique.

1. La première forme a été’enseignée par Gûnther, cf.

Kleutgen, La philosophie scolastique, trad. Sierp, a. 926,

Paris, 1870, t. iv, p. 309, el par le li. P. Gratry, De la

— de Dieu, Paris, 1853 ; Logique, Paris, 1855.

Elle constitue ce qu’on a appel, ’, l’argument métalogique.

I -le en un j procédé dialectique t qui, dans la créature, saisit immédiatement le créateur, dans le fini et le relatif, par une abstraction instantanée de la limite et de la dépendance, perçoit l’absolu et l’infini.

II n’a donc pas de raisonnement proprement dit, aucun Byllogisme, c’est un « sens divin » , une inférenec inimédiate qui, d’un trait, rail jaillir de la vue du monde l’évidence de la réalité divine. Ainsi le moi est perçu Immédiatement par la con cience dans les opérations de l’esprit. Vuici, du reste, comment le I’. Gratrj dé< rit

lui-même son « procédé dialectique » : « Nous terminons ici l’étude de la théodicée des philosophes du premier ordre. Nous avons vu que tous ont démontré de la même manière l’existence de Dieu… Tous ont trouvé le point d’appui de cet élan de la raison dans le spectacle des choses créées, monde ou âme ; tous ont compris que ce point de départ n’est en aucune sorte un principe d’où la raison puisse déduire Dieu, mais simplement un point de départ d’où la raison s’élève au principe de toute chose que ne contient aucun point de départ, tous ont compris ou entrevu que ce procédé est absolument différent du syllogisme et qu’il est un des deux procédés essentiels de la raison, celui qui trouve les majeures et non celui qui tire les conséquences ; tous ont décrit ce procédé comme une opération de la raison qui, regardant l’être fini, monde ou âme, voit par contraste ou par regrès dans ce fini l’existence nécessaire de l’infini et connaît l’infini par négation, en niant les limites de tout fini et de toute perfection bornée. » Connaissance de Dieu, I. II, c. vin. Ce procédé de connaissance a posteriori est immédiat. Il confond, dans une certaine mesure, le mode de connaissance de Dieu avec le mode de démonstration de son existence. On connaît Dieu, on se le représente avec des concepts négatifs venant corriger les notions positives que nous donnent les choses créées ; mais on démontre que Dieu existe par une autre voie.

Cf. P. Ramière, Du procédé dialectique, dans les Mélangeshistoriques, philosophiques et littéraires, publiés par les PP. Cliarles Daniel et Jean Gagarin, S. J., Paris, s. d., t. ii, p. 87 ; le cardinal Perraud, Le P. Gratry, sa vie et ses œuvre-, c. il, Paris, 1900, p. 77 sq. ; P. Hontheim, S. J., Institutions theodicese, n. 100, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 61.

2. La deuxième forme aposlérioristiquc de démonstration de l’existence divine a été indiqnée par l’auteur du livre de la Sagesse, xiii, 1-9, par saint Paul, Rem., i, 20, développée par la tradition, enseignée par le concile du Vatican, lequel, dans la constitution D (ide cetholica, c. ii, s’exprime de la façon suivante : Eadem sancta mater Ecclesia tenet et docet Deum, rerum omnium principium et finem, naturali humaine ratioxis lumine, E REBUS CREATis certo cogr sci posse : invisibitia enim ipsius a créât ura mundi ver ea quæ facta sunt intellecla conspiciuntur. Cette doctrine est infailliblement affirmée par le canon suivant du même concile : Si quis di.rerit Deum unum et verum, creatorcm et Dominum nostrum per ea quæ. facta sunt, naturali rationis liumanse lumnie certo cognosci non posse, anathema sil. L’enseignement catholique est donc que Dieu peut être connu et qu’il est, en réalité, connu par un raisonnement a posteriori qui part des effets divins el remonte de ces effets à leur cause éternelle et infinie. Ce n’est pas une intuition de Dieu en lui-même, ni une sorte de sentiment de son être en présence des choses finies, qui nous le montrent, il est démontré par un vrai raisonnement remontant du monde au créateur. Voir les arguments apostérioristiques de l’existence de Dieu à l’article bli ; r.

V. L’a ptiiunt et l’A posteriori dans la méthode des sciences ecclésiastiques. — 1° On a souvent élevé l’accusation d’apriorisme contre la méthode des sciences ecclésiastiques, On a voulu à cause de cela diminuer la valeur et l’autorité des résultats acquis par mêmes sciences, surtout par l’exégèse et l’histoire iastique. <*n appelle donc a priori la méthi de qui consiste, avant toute recherche historique ou exégétique, à s’enquérir des données dogmatiques sur le point que l’on se propose d éclairer, à s’inspirer de ces données, à les avoir toujours présentes a l’esprit pendant le travail de critique biblique ou historique. Un tel procédé, dit-on, est antiscientifique, il gêne les recherches par ses idées préconçues, il jette de l’a priori dans des études qui devraient être Faites sans autre préoccupation que