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APOLOGETIQUE (NOTION ET BUT)

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dence ? Si oui, que devient la liberté de l’acte de foi et l’obscurité de son objet ? Si non, de quel droit affirmer que la croyance engendre la certitude ? D’une part elle serait un assentiment forcé, de l’autre une simple opinion. — Pour résoudre cette apparente antinomie, quelques remarques sont nécessaires.

1. L’apologétique n’impose pas la foi ; elle la propose. Elle ne la présente pas comme la conclusion inévitable d’un syllogisme, comme la conséquence inéluctable d’une démonstration. Il est très vrai que celle-ci est d’ordre naturel tandis que l’adhésion est de l’ordre surnaturel ; il n’y a pas confusion, il ne peut y avoir continuité entre ces deux ordres, comme si le plus élevé était le prolongement de l’autre. Cette doctrine repose sur la parole de l’Apôtre : Gratia enini estis salvati per /idem, et hoc non ex vobis : Dei enim donum est, Eph., il, 8, et le second concile d’Orange l’a définie contre les semipélagiens : Si quis sicut augmentum, ita etiam initium fidei ipsumque credulitatis affection… naturaliter nobis inesse dicit, apostolicis doginatibus adversarius approbatur. Can. 5. Denzinger, Enchiridion symb. et def., n. 148.

2. L’apologétique produit la certitude. L’Église l’aflirme à plusieurs reprises ; on connaît la 21e proposition condamnée par Innocent XI : Assensus fidei supernaturalis et utilis ad salutem stat cum nolitia solum probabili revelationis, imo cum formidine qua quis formidet ne non sit locutus Deus. Denzinger, op. cit., n. 1038. Et les Pères du concile du Vatican, établissant l’existenoe des preuves extérieures de la révélation, les appellent : divinx revelationis signa certissima et omnium intelligentite accommodata. Const. De fide, c. iii, § 2. Mais la certitude n’est un état d’esprit légitime que si elle est engendrée par l’évidence. Seulement il faut distinguer deux sortes d’évidence. L’une, qui est intrinsèque, est produite par l’intuition ou la démonstration de la vérité. Elle peut avoir pour objet un fait (l’existence du soleil expérimentalement connu) ou un jugement (Dieu est parfait). L’autre, qui est extrinsèque, repose sur un témoignage dont il est impossible de contester la valeur, par exemple : Charlemagne a existé ; la proposition qui l’énonce ne s’impose pas à l’esprit par elle-même, puisque le sujet et l’attribut ne sont pas nécessairement liés, et la vérité énoncée n’est pas objet d’intuition, puisque aucun homme aujourd’hui vivant n’a pu connaître expérimentalement cet empereur. Cependant, de même que la réalité du soleil résiste aux raffinements de l’idéalisme, que la perfection de Dieu déjoue les sophismes du scepticisme, l’existence de Charlemagne est incontestable, malgré les subtilités de la critique. On peut donc attribuer à cette proposition : Charlemagne a existé, le caractère d’être un l’ait nécessairement intelligible, c’est-à-dire, en un certain sens, évidente, mais parce que son objet demeure caché et que les raisons d’adhérer sont extérieures à ce qu’on affirme, cette adhésion est une croyance, c’est-à-dire requiert l’intervention, l’empire de la volonté. Or il en est ainsi (1rs vérités révélées. Car, en effet, malgré la lumière qui, du dehors, enveloppe le dogme, celui-ci , en lui-même, surnaturel ou mystérieux ; donc, inaccessible. Ce qui est nécessairement intelligible, c’est-à-dire (’vident, ce n’est pas le jugement qui l’exprime mais celui qui l’impose à la croyance, et encore faut-il observer que cette évidence étant de l’ordre moral implique l’action de la liberté. C’est bien une certitude, pourtant, qui est produite dans l’esprit, une certitude lie, en prenant ces mois, non au sens large s. jus lequel on désigne la conviction pratique suffisante pour agir d’une manière raisonnable, prudente, humaine, mais au sens strict et proprement dit, une vraie certitude qui se ramené, en dernière analyse, aux attributs mêmes de Dieu, et donc, à la certitude métaphysique. Néanmoins cette évidence est loin d’être contraignante et nécessitante. Il ne pourrait en être ainsi que si la crédibilité de la révélation était intuitivement et immédiatement perçue. En ce cas, la volonté n’aurait aucune fonction à exercer dans l’acte de foi. Mais, tout au rebours, l’acte de foi n’est même pas la conclusion logique de prémisses établies par la raison, car ce n’est pas à cause des motifs de crédibilité que nous croyons ; c’est uniquement à cause de l’autorité du Dieu très sage et très vérace qui est l’auteur de la révélation. Or ce Dieu n’est pas objet de vision en ce monde et la démonstration de l’objet formel de la foi, de l’autorité de Dieu qui révèle et de l’existence de la révélation exige un long raisonnement, un ensemble complexe de faits, d’idées, d’arguments qui s’unissent et s’enchaînent dans une série. Que l’attention fasse défaut, que les préjugés offusquent l’esprit, que les passions troublent le cœur, l’énergie de la volonté devra fixer l’attention, dissiper des préjugés, calmer et dompter les passions. Et ce n’est pas son seul rôle, car ces nombreuses vérités expérimentales ou rationnelles qui se fortifient, se complètent, semblent parfois s’opposer et tout au moins s’enchevêtrer et se confondre, l’intelligence ne les saisit pas toutes ensemble. La clarté des unes se voile à mesure qu’augmente l’éclat des autres, celles qui, nouvellement acquises, émergent et se dressent en relief devant la conscience, relèguent les plus anciennes dans l’oubli. Il faut donc choisir entre elles ; c’est l’office de la volonté libre. Mais comment y est-elle déterminée ? — D’après un théologien éminent, le R. P. Schwalm, il faut dire que la volonté tendant au bien, comme l’intelligence au vrai, rien n’est objet de vouloir qui ne soit offert sub ratione boni. — Or, comme tout ce qui est vrai est bon [verum et bonum convertuntur), la vérité, en même temps qu’elle sollicite l’adhésion de l’intelligence, louche et meut la volonté dont l’rmpulsion réagit sur l’intelligence elle-même pour fortifier et rendre décisifs ses jugements. Cette explication, qui est légitime, paraît insuffisante, puisqu’on peut objecter à son auteur que, la volonté étant aveugle par elle-même, doit être éclairée et guidée par l’intelligence. Cette ratio boni qui fait passer le libre arbitre de la puissance à l’acte, ce n’est pas la volonté qui l’aperçoit : elle ne cause pas les jugements qui la déterminent à l’action ; elle les suit, librement, sans doute, mais naturellement. Cf. dans le Compte rendu du congres scientifique des catholiques, tenu à Fribourg, 1897, les remarques des PP. Portalié et Gaudeau sur la théorie du P. Schwalm, Section de philosophie, p. 12. Il faut que l’acte de foi soit rationnel, donc intellectuel, puisqu’il a le vrai pour objet. Voici donc comment on pourrait décrire le jirocessus dont il est le terme : l°les preuves extrinsèques et intrinsèques démontrent que Dieu a parlé, de telle sorte que cette proposition, bien que n’ayant pas les caractères de l’évidence mathématique, se présente à l’esprit comme imposant son adhésion au nom des lois de la prudence ; 2° l’adhésion prudente est un bien pour la volonté ; elle s’y attache donc comme à l’exercice d’une vertu et y incline l’intelligence comme à un acte que celle-ci doit accomplir ; 3° sous l’empire de la volonté, l’intelligence à laquelle l’objet de son adhésion s’était présenté comme croyable (credibile), tandis qu’il mouvait la volonté comme devant être cru (credendum). émet son jugement sans crainte d’erreur. Car il est évident, pour elle, qu’il y aurait contradiction à ce qu’une adhésion imposée universellement et absolument à tous les hommes comme un moyen de salut, c’est-à-dire de perfection et de bonheur, put être erronée. La conséquence répugne à la sagesse et à la bonté divines et autorise le défi que Richard de Saint-Victor adressai ! à la providence : Ni error est, ’l’ion credimus, a tedecepti tumus. De Trinitate, i. 2, /’. /.., t. c.xcvi, col. 891.

Cet enseignement se retrouve chez les Pères et les docteurs. La légèreté, la témérité d’une croyance qui ne reposerai ! pis sur un fondement inébranlable est