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1709 APPROPRIATION AUX PERSONNES DE LA SAINTE TRINITÉ 1710

ou de l’autre, les comparer avec l’une des personnes divines et en tirer une ressemblance. Cf. Henri de Gand, Summa theologiæ, II a, a. 7, q. ni, Paris, 1520 ; S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xxxix, a. 8, où il fait servir à l’appropriation ce qui concerne l'être, l’unité, la puissance, l’action de l’essence divine, c’est-à-dire tout ce qui a trait à cette essence. — Cependant il faut préférer les termes dont les relations mutuelles rappellent l’ordre des trois personnes divines. Saint Bonaventure, In IV Sent., 1. I, dist. XXXIV, q. iii, Quaracchi, 1882, t. r, p. 592, va même jusqu'à dire que les seuls noms utilisables dans l’appropriation sont ceux qui contiennent une raison d’ordre et d’origine. Cf. de Régnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, 3e série, théories grecques des processions divines, étude XVII, c. il, a. 2, § 5, Paris, 1898, t. i, p. 291. — 2. Que plusieurs qualités essentielles ou opérations naturelles peuvent être appropriées à une seule personne. Car les personnes étant enveloppées dans le mystère et pouvant être envisagées sous de multiples aspects, ce n’est pas trop de plusieurs concepts appropriés pour en faciliter l’intelligence et en distinguer les faces. Ainsi au Père sont attribuées l'éternité, la puissance, l’unité. — 3. Qu’une même qualité ou opération peut, pour des raisons diverses, être appropriée à plusieurs personnes. Cela découle du fait qu’une qualité appropriée à une personne, ne lui étant pas attribuée exclusivement, peut encore être rapportée à une autre personne sous un aspect différent. Ainsi « la révélation des mystères de Dieu » à l’homme est attribuée différemment au Fils et nu Saint-Esprit. Elle l’est au Fils parce que, en sa qualité de Verbe, de Parole du Père, il semble plus particulièrement propre à manifester en soi et par soi la vérité de Dieu. Elle l’est au Saint-Esprit parce qu’il représente la bonté communicative de Dieu et que la révélation des mystères est un acte de tendre familiarité » et une communication au dehors des secrets divins. Cf. Scheeben, La dogmatique, trad. Bélet, § 124, n. 1052, Paris, 1880, t. ii, p. 705.

II. Les raisons d'être de l’appropriation. — 1° Le procédé de l’appropriation est indispensable. Sans lui, il est impossible de traiter des choses de la Trinité avec détail et succès. La cause en est dans le silence de la raison et dans le laconisme du dogme. — En effet, le raisonnement peut bien conduire l’esprit humain de la nature créée à la nature créatrice et lui faire découvrir l’existence et quelque chose des attributs essentiels de Dieu ; mais arrivé là, il s’arrête ; il est compétent sur l’Unité divine, surla Trinité, il est muet. Voir Analogie, III, col. 1149. Le mystère dépasse d’une façon radicale la portée de la raison humaine. — D’autre part, la révélation nous dit bien quelque chose sur la sainte Trinité', mais les points fixés par le dogme, les concepts qu’il fournit sont peu nombreux et si l’on s’en tenait uniquement aux formules définies ou révélées, on serait vite au terme de la science humaine relative au Père, m Fils ou au Saint-Esprit. — Pour ces deux raisons, il était donc d’une suprême utilité' d’enrichir le langage théologique concernant la sainte Trinité. La tradition autorisée par la sainte Ecriture elle-même l’a fait par les vestiges et par l’appropriation. — 2 L’appropriation n’ajoute pas seulement aux connaissances dogmatiques surla Trinité' ; elle éclaire encore celles-ci et les précise, c’est la pensée de saint Thomas : « Il convient, dit-il, d’approprier ui personnes les attributs essentiels pour une plus grande manifestation <les choses de la foi. En effet, bien que la Trinité des personnes ne puisse être démontrée par la raison, il convient, cependant, cl ['expliquer par d plus manifestes. Or les attributs essentiels sont plus manifestes a nuire raison que les propriétés personnelles, puisque, des créatures que nous connaissons, nous pouvons parvenii certitude à la connaissance des attributs essentiels, mai

non à la connaissance des propriétés personnelles… Et cette manifestation des personnes par les attributs essentiels s’appelle appropriation. » Sum. theol., I a, q. xxxix, a. 7. — 3° Enfin, dans toute comparaison, les deux termes comparés s'éclairent mutuellement. Les attributs divins appropriés, par raison de similitude, aux personnes divines, ne font pas seulement mieux connaître ceux-ci, mais eux-mêmes se manifestent plus clairement par l’appropriation et, de la sorte, grâce à cette méthode de langage, l’Unité éclaire la Trinité et la Trinité éclaire l’Unité.

III. Applications de l’appropriation. — Nous avons vu que tous les termes ou concepts qui concernent l’essence peuvent être utilisés par l’appropriation. En effet, la tradition patristique et théologique a approprié aux personnes divines les noms de la nature divine, ses qualités essentielles, ses opérations ad extra.

Les noms.

Au Père est approprié le nom de

Dieu, au Fils le nom de Seigneur. Le nom d’Esprit peut aussi, dans un certain sens, être considéré comme approprié' à la troisième personne. — La sainte Écriture, quand elle énumère le Père et le Fils, ajoute souvent le nom de Dieu au premier et le nom de Seigneur au second. Benediclus Deus et Pater Domini Nostri Jesu Christi. II Cor., I, 3 ; cf. I Cor., viii, 6 ; xii, 4-6 ; Eph., iv, 5-6. « C’est une doctrine de piété de savoir qu’il n’y a qu’un seul Dieu innascible, le Père, et un seul Seigneur engendré, le Fils, lequel est appelé Dieu quand on le désigne en lui-même et séparément, mais s’appelle Seigneur quand on le nomme conjointement avec le Père ; car la première désignation convient à sa nature, la seconde fait ressortir l’unité de principe. » Grégoire de Nazianze, Oral., xxv, n. 15, P. G., t. xxxv, col. 1220. Cf. Hilaire, De Trinitate, 1. VIII, n. 35-37, P. L., t. x, col. 263 ; Basile, Epist., viii, n. 3, P. G., t.xxxii, col. 230 ; Chrysostome, Tn I Cor., homil. xx, n.3, P. G., t. lxi, col. 161 ; Théodoret, In I Cor., viii, 6, P. G., t.LXXXii, col.290 ; Franzelin, Z)<ï Deo trino, th. xiii, Rome, 1874, p. 216 ; Ruiz, De Trinitate, q. lxxviii, sect. iv ; Jean Damascène, De fide orlliodoxa, . I, c. x, P. G., t. xciv, col. 839. Le nom de Dieu est tellement attribué de préférence au Père, que celui-ci est parfois appelé non pas seulement le Dieu des créatures, mais encore le Dieu du Fils. Saint Jean, i, 1, dit que le Verbe était en Dieu, c’est-à-dire suivant Théophylacte, In h. I., P. G., t. cxxiii, col. 1135, et d’autres Pères, dans Ruiz, ibid., qu’il était dans le Père. — Le Christ dit que le Père est son Dieu, Joa., xx, 17, et saint Cyrille de Jérusalem, Catech., xi, c. xix, P. G., t. xxxiii, col. 714, et saint Hilaire, De Trinilate, 1. XI, c. XI, P. L., t. x, col. 406, affirment que le Christ parle ici comme personne divine aussi bien qu’en tant qu’homme. La liturgie commence ses oraisons adressées au l'ère par le mot : Drus, et les termine ainsi : Per Dominum nostrum Jesum Chris tum. Cf. dom Legeay, Les noms île Noire-Seigneur dans la sainte Écriture, et une prose sur les noms du Christ : Aima chorus Dnmiui, dans le missel de Sarum, Ordo sponsalium. — Le nom d’Esprit appliqué à la troisième personne lui convient en propre si l’on entend signifier le mode de procession de cette personne par manière de souflle et de spiration mutuelle du Père et du Fils confondus dans l’unité d’un même principe ; mais ce nom n’est qu’approprié', s’il est pris dans le sens de substance immatérielle. Cf. Scheeben. n. 1046 ; Hurler, De Deo trino, c. III, n. 225, Inspruek, 1896, t. ii, p. 192. —Tel est le sorl de ce mot spiritus qu’après avoir signifié d’abord en propre le vent, ou le souflle de l’air, il a servi bientôt à désigner métaphoriquement les esprits. La métaphore est vite devenue une acception propre, puis continuant ses vicissitudes, le mot, de la désignation des esprits finis ou de l’Esprit infini, est devenu par appropriation ou proprement, suivant les cas, le nom de la troisième personne divine.