Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée
1697
1698
APPETIT


selon que la connaissance qui le précède présente son objet confusément ou distinctement. De veritate, q. xxil, a. 2.

La portée de ces distinctions ressortira de la section suivante.

V. Applications aux rapports de la nature et de la grâce. — 1° La vision béatilique et les perfections surnaturelles qui y conduisent : grâce, toi, espérance, charité, vertus infuses, dons, sont certainement en dehors et au-dessus des exigences et du pouvoir de notre nature. D’autre part, il n’est pas moins certain que c’est avec nos actes que nous aimons Dieu et que nous le verrons un jour. Comment concilier le surnaturel et la vitalité naturelle de ces opérations ? La volonté étant la puissance de l’homme qui résume toute son activité, et son appétit naturel étant la toute première manifestation des pouvoirs latents de la nature humaine, on comprend que la question des ressources de l’appétit rationnel, naturel ou élicite, en matière de vision béatifique, est le nœud même du problème des rapports de la nature et de la grâce.

2° Les systèmes hétérodoxes admettent un appétit naturel d’exigence, efficace et explicite, vis-à-vis de l'élévation au surnaturel, mais l’expliquent différemment. Luther et Calvin, après les manichéens, soutiennent que, dans l'état de justice originelle, croire en Dieu et aimer Dieu étaient aussi naturels à Adam que d’ouvrir les yeux à la lumière. Luther, In cap. lu Geneseos ; Calvin, lnst., 1. I, c. XV. — Baius ne prétend pas comme Luther que détruire l’appétit de l’essence divine en l’homme serait changer sa nature, mais il soutient qu’il lui est dû, d’une nécessité non plus d’essence, mais d’exigence, exigence efficace dans l'état d’innocence, subordonnée à la grâce gratuite du rédempteur dans l'état de nature tombée. Jansénius et Quesnel partagent la même erreur. — A notre époque, les rosminiens, en soutenant la doctrine d’un Dieu, lumière immédiate de l’intelligence humaine, aboutissent logiquement, en vertu de l’inséparabilité des attributs divins, Sum. llicol., I a, q. ni, a. 3 ; De verit., q. xii, a. G, à poser dans la nature une appétition de la vision intuitive. — Tout récemment enfin, en France, les tendances des partisans du dogmatisme moral et de l’apologétique fondée sur la méthode d’immanence, ont paru à nombre de théologiens ne pas tenir suffisamment compte de la distinction entre l’appétit naturel de capacité et d’exigence. On a ess.né de donner des bases théologiques à cette théorie, en se fil.h ant sur le terrain des faits tels qu’ils se passent dans l'état actuel d'élévation au surnaturel. Mano, Le problènie apologétique, Paris, 1899. Tentative orthodoxe, mais qui n’achète son orthodoxie, qu’au détriment de sa force démonstrative et apologétique, et en sortant du pur domaine de la pure immanence où s'était placé son auteur.

3° Les systèmes catholiques s’attachent, à la suite de saint Augustin, à nier l’appétit naturel d’exigence et à affirmer l’appétit naturel de capacité à l'égard de la vision de la divine essence et des moyens surnaturels proportionnés â cette fin. On trouvera une vivante mise en de la pensée de saint Augustin sur l’appétit de Dieu au livre X des Confessions, c. xx-xxrx, el aux chapitres xxx, xxxi des Soliloques. — Nous n’avons pas à entrer ici dans la discussion du sens de saint Augustin, ni à 1 ngei de interprétations hérétiques. A noter cependant la doctrine des théologiens augustiniens qui admettent dans la créature rationnelle un appétit inné et élicite d’exigence vis-à-vis de la fin surnaturelle, non

pas que cette fin soitdue a la nature considérée com

telle et absolument, mais seulement à la nature considérée comme ordonnée par la Mes pi te providence de ton auteur. Bellelius, Veux Augustini, t. iii, c. xii, xxiii,

il
:;.in,, .| ', .im : c ; ir, i. Noris, Vindicim sancti lugustini,

c. iii, § ). Berti, />< ; theolog. disciplinis. Appena

DU i. DE 1IILOL. CATIIOL.

lib. XII. — Doctrine qui n’est pas hétérodoxe, mais qui ne semble pas suffisamment distinguer entre la nature et le surnaturel, outre qu’il est contestable qu’elle soit selon l’esprit de saint Augustin. Cf. Sestili, De naturali intelligenlis animée appetitu intuendi divinam essentïam, Rome, 1896, p. 148-157.

Les deux écoles principales que divise cette question sont celles de saint Thomas et de Scot.

4° On connaît la célèbre doctrine de saint Thomas touchant le désir naturel qu’a la créature intellectuelle de voir l’essence de la cause première des effets créés. Sum. theol., I*, q. XII, a. 1 ; Ia-IIæ , q. III, a. 8 ; Cont. gent., 1. III, c. l, § Omne enim quod, § Amplius nil finilum, § Item quanta aliquid. Ce désir suppose d’abord un appétit naturel et inné de la béatitude parfaite, ce qui revient à un appétit d’exigence inné mais implicite de Dieu qui est cette béatitude. Cf. Sum. theol., I a, q. il, a. 1, ad l um. Cet appétit fondamental se développe, à la suite de la connaissance distincte de Dieu par ses effets, dans un appétit d’exigence élicite, et explicite, de Dieu comme fin dernière. De verit., q. xxii, a. 2 ; Sum. theol., I a, q. xliv, a. 4, ad 3um. Cf. Gardeil, Les exigences objectives de l’action, dans la Revue thomiste, t. vi, p. 125, 269. Cet appétit est lui aussi naturel en vertu du principe omne prius in posteriori salvatur. Sum. theol., I a, q. lxii, a. 7. Pour la même raison, est naturel l’appétit élicite dont est issu le désir de l’essence divine que constatent les textes ci-dessus. Mais — 1. Cet appétit ne peut être qu’un appétit de capacité et nullement d’exigence. — 2. Cette capacité fondée sur la nature universelle de l’intellection humaine ne dit pas une ordination positive â la vision intuitive, mais simplement que la nature humaine n’a pas à l'égard de cette vision la répugnance qu’offrent les natures non intellectuelles, les animaux par exemple ou les pierres. — 3. N’impliquant pas d’impossibilité absolue, la vision intuitive de Pieu est possible grâce à la puissance obédientielle qui est au fond de toute créature et regarde directement la tonte-puissance divine pour tout ce à quoi il lui plaira de l’ordonner. — i. L’appétit naturel de la vision divine ainsi défini est à la fois implicite et explicite. Il est explicite négativement, c’est-à-dire qu’il sait ce qui ne le contente pas. Et de là vient qu’il ne saurait se reposer dans les biens, y compris le bien divin, que lui présente la connaissance abstractive. Il est implicite vis-à-vis de la vision divine en elle-même, dont il ne saurait concevoir distinctement ni la nature ni la possibilité. — 5. Le désir qui suit l’appétit ('licite est donc moins un vouloir qu’une velléité, il n’a pas de portée démonstrative en dehors de la supposition du fait de l'élévation à l’ordre surnaturel. Il témoigne cependant, comme un signe, que la vision intuitive, et tout l’ordre surnaturel par conséquent, ne sont pas quelque chose d'étranger à notre nature. — fi. Celle élévation réalisée, on comprend que, en vertu du principe omne prias in posteriori salvatur, l’appétit naturel restant sous l’appétit élicite inefficace, et l’appétit naturel élicite demeurant tout entier sous l’appétit surnaturel efficace des actes surnaturels, la grâce ne détruise pas la nature mais la perfectionne, et comment des surnaturels en soi peuvent devenir nos actes. Le point d’insertion de la grâce dans la nature est l’appétil volontaire naturel, qui surélevé par Dieu, se continue, identique à lui-même, sous la e, ràce et la lumière de gloire.

.">' Certains commentateurs de saint Thomas comprennent différemment certains points de cette synthèse que nous empruntons cependant à l’ensemble de sis œuvres et i plusieurs de ses commentateurs les plus généralement suivis dans l'école thomiste. Bannez, In i am partent, q . a. I. concl. ; Jean de Saint-Thomas, ibid. ; Médina, In ! Ih. q. iii, a. 8. Cf. Suarez, lu l' m II', disp. XVI, s, (t. ii, n. lu. — 1. Dominique Soto

I. - 51