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lui demanda si pareille chose était déjà arrivée à une personne de sa famille.

— Jamais je ne l’ai ouï dire, fit le père.

— Alors nous ne sommes pas en présence d’un cas d’atavisme et je n’y comprends plus rien.

À tout hasard, il ordonna une potion, ajoutant :

— Je reviendrai demain et, si les choses sont dans le même état, j’appellerai deux de mes collègues en consultation et nous enverrons un rapport à l’Académie de médecine.

Marius sur son bicycle ne ferma pas l’œil de toute la nuit. Au matin, les trois docteurs arrivèrent et furent extraordinairement embarrassés. Ils finirent par déclarer que le cas de Marius ne concernait pas la médecine et qu’il fallait faire venir des chirurgiens de Paris.

Deux jours après cinq des plus renommés maîtres de l’art étaient assemblés autour du bicycle de Marius et leur avis unanime fut que le bicycle et Marius ne pouvaient plus être séparés que par une opération chirurgicale qui coûterait la vie sinon au bicycle, du moins à l’homme. L’un d’eux voulut même pratiquer immédiatement l’autopsie dans l’intérêt de la science ; il ne renonça qu’avec peine à cette idée qui fut vivement combattue par Marius et sa famille.

— Vous êtes devenu homme-bicycle, conclurent les savants. Cela devait fatalement se produire un jour ou l’autre.

— Peut-on vivre ainsi ? demanda Marius.

Une nouvelle discussion s’engagea, d’où il résulta que l’on pouvait parfaitement vivre, à condition toutefois de prendre des précautions et d’éviter les courants d’air.

Cependant les journaux s’étaient emparés de l’affaire et Marius, interviewé plus de deux mille fois, devint l’homme le plus célèbre de toute la terre.