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iii

L’homme de la science, esprit sceptique et qui ne croyait pas aux miracles, refusa d’abord de se déranger pour une pareille sottise.

— Votre Marius est un farceur qui veut faire poser le médecin ! déclara-t-il avec autorité.

Mais on insista tellement qu’il consentit à se rendre chez lui. Il lui tâta le pouls, l’ausculta, appuya la tête contre la poitrine.

— Allons, mon garçon, vous n’avez rien du tout, conclut-il.

— J’ai mon bicycle, gémit Marius.

— Comment ! vous voulez me faire accroire, à moi, que vous ne pouvez pas descendre de là ! s’écria le docteur indigné.

— Essayez, reprit Marius, vous verrez bien.

Le docteur le secoua terriblement.

— Vous êtes un entêté, un imposteur ! La science démontre que lorsqu’un homme est monté sur un bicycle, il doit pouvoir nécessairement en descendre, et ce n’est pas au commencement du vingtième siècle, après tous les progrès que nous avons accomplis, que vous changerez les lois de la mécanique.

Marius poussa de lamentables gémissements.

— Puisque je vous dis que je ne peux pas, docteur. Ne m’abandonnez pas, je vous en supplie.

Touché par l’accent de sincérité de cette prière suprême, le docteur, qui n’était pas au fond un méchant homme, examina de nouveau Marius, l’interrogea sur sa vie,