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lire, écrire et compter, comme s’il n’eût fait que cela toute sa vie.

Les succès les plus flatteurs récompensèrent ses hautes capacités. Ce fut lui qui gagna en 1900 la grande course de Paris–Kamtchatka organisée par la presse française en l’honneur de la fin du siècle. Toutes les nations avaient envoyé des représentants à cette épreuve solennelle ; les Anglais n’arrivèrent qu’en seconde ligne, distancés par Marius de plus de quinze cents lieues, et ce succès magnifique augmenta encore le prestige de la Provence dans l’opinion publique.

À voir le jeune méridional monté sur son bicycle, on eût juré que le bicycle et lui ne faisaient qu’une seule et même personne, et c’était une question que l’on pouvait se poser, de savoir si c’était Marius qui conduisait son bicycle ou le bicycle qui entraînait Marius, tant leurs mouvements communs étaient aisés, amples et harmonieux.

Vous connaissez cette histoire d’un acrobate fameux qui arrive un jour sur les mains dans la salle à manger familiale. En l’apercevant sa fille murmure :

— Oh ! papa marche les pieds en l’air et la tête en bas. Il doit être préoccupé.

Ainsi, lorsque Marius n’était pas sur son bicycle, il avait un air gauche et emprunté : il lui manquait visiblement quelque chose. Il en était même venu à ce point qu’il avait besoin de cet instrument pour accomplir les actions les plus simples de la vie, pour passer d’une pièce à l’autre de son appartement, pour s’aller mettre à table, et il ne dormait d’un sommeil paisible qu’avec son bicycle entre les jambes.