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un caprice ont presque élevé sur le trône, et qu’un mot et un caprice peuvent l’en précipiter ?

On pourrait encore facilement prouver, et par d’invincibles raisons, que le ministre d’un tyran ne peut être particulièrement honnête homme, puisque nous entendons par honnêteté publique, les mœurs et la foi d’honneur ; mais les ministres eux-mêmes, tous les jours, nous le prouvent beaucoup mieux par leurs œuvres, qu’aucun écrivain ne pourrait le faire par des volumes. Que l’on remarque seulement qu’il n’existe pas de ministre qui veuille perdre sa charge, qu’aucune n’est aussi enviée que la sienne, que personne n’a autant d’ennemis, que personne n’a plus de calomnies ou de véritables accusations à combattre. Or, la vertu peut-elle par elle-même, sous un gouvernement sans vertu, résister avec une force qui n’est pas la sienne, aux vices, aux cabales, à l’envie ? J’en appelle au jugement de tout lecteur raisonnable.

De la puissance illimitée du tyran, passée dans les mains de son ministre, naît l’abus d’un pouvoir déjà par lui-même abusif. Le pouvoir et l’abus du pouvoir doivent croître nécessairement, lorsqu’ils se trouvent trans-