la vérité sévèrement proscrite, les biens, la vie, l’honneur de tous, enfin, dans les mains d’un seul homme qu’ils regardent comme incapable de tout gouverner, et qui pour cela même est obligé de laisser à quelques autres, non moins incapables et plus méchans que lui, le droit d’en disposer arbitrairement. Ils voient tout cela, tous les jours, ces êtres pensans et peu nombreux que la tyrannie n’a pu détruire, et à la vue de cet amas de malheurs, ils doivent se taire en tremblant et en soupirant. Mais quel est le motif de leur silence ? La peur. Il n’y a pas moins de crime sous la tyrannie, à parler qu’à agir. De cette maxime il devrait au moins en résulter, qu’au lieu de parler on devrait agir ; mais hélas ! on n’ose ni l’un, ni l’autre.
Si des hommes aussi rares et aussi bien intentionnés ont pu être avilis jusqu’à ce point, que seront donc ensuite les autres sous un tel gouvernement ? Quel nom pourra-t-on inventer pour les distinguer de ceux qui, dans les gouvernemens respectables des anciens, ont sçu donner tant d’éclat au nom d’homme ? Les écrivains modernes s’efforcent chaque jour de nous démontrer que le hasard et les circonstances veulent que