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toyen, le plus ami des mœurs, le plus humain, se trouve forcé à désirer, dans son cœur, que les tyrans eux-mêmes, en passant toutes les bornes raisonnables, changent promptement cette opinion universelle et cette volonté ; et si à la première vue un tel désir paraît inhumain, inique et même criminel, que l’on considère que les changemens très-importans ne peuvent avoir lieu parmi les hommes, comme je l’ai déjà dit, sans des maux et des dangers certains ; et que ce n’est qu’au milieu de beaucoup de sang et de larmes, et jamais autrement, que les peuples passent de l’état de servitude à celui de liberté, et beaucoup plus que lors qu’ils passent de la liberté à l’esclavage. Un très bon citoyen peut donc, sans cesser d’être tel, désirer ardemment ce mal passager, qui détruit, d’un seul coup, un nombre infini de maux, aussi grands et beaucoup plus durables, lorsqu’il doit en naître un bien plus grand et plus permanent ; ce désir, enfin, n’a rien en soi de criminel, puisqu’il n’a d’autre but que l’avantage véritable et durable de tous. Alors il arrive un jour où ce peuple, autrefois opprimé et avili, devenu libre, heureux et puissant, finit par bénir ces massacres, ces violences, ce sang, par le