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généreux voulait opérer le bien, de tous, avec certitude et précision, il se trouverait réduit à se rendre lui-même le plus scélérat et le plus infâme des hommes, ou bien à se désister d’une entreprise tout-à-fait impossible. Il arrivera de là qu’on ne trouvera jamais un tel homme, et qu’on ne doit attendre cet effet rapide de l’abus de la tyrannie, que d’un ministre vraiment scélérat. Cet homme ne voulant perdre que la renommée qu’il n’eut jamais, et voulant conserver absolument son autorité usurpée, ses vols et sa vie, permet bien au tyran de devenir aussi cruel et aussi scélérat qu’il est nécessaire pour rendre ses sujets très-malheureux, mais jamais à cet excès qui serait nécessaire pour les réduire au désespoir et à la vengeance. Il arrive dé-là que, dans ce siècle si doux, l’art de tyranniser s’est tellement perfectionné, comme je l’ai démontré dans le premier livre, il s’appuie sur tant de bases solides et cachées, que les tyrans ne sortant que rarement des bornes envers la société entière, et presque jamais envers les individus, si non, sous le voile apparent de la justice, la tyrannie s’est comme établie sur des bases éternelles.

J’entends déjà crier autour de moi ; « Puis-