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de liberté politique. Cependant, comme la privation totale de sentiment naturel ne provient pas des individus, mais seulement des préjugés qui se sont tellement enracinés dans leur cœur, qu’ils sont parvenus à étouffer jusqu’au plus petit rayon de la raison naturelle, l’humanité exige que l’on déplore une telle erreur, sans abandonner tout-à-fait ce peuple méprisable, et déjà si méprisé. Né dans l’esclavage, de pères et d’ayeuls esclaves, d’où pourrait-il jamais avoir reçu aucune idée de liberté primitive ? Cette idée, me dira-t-on, n’est-elle pas naturelle et innée dans le cœur de l’homme ? Sans doute, mais combien d’autres choses, non moins naturelles, ne sont-elles pas affaiblies, ou effacées entièrement en nous, par l’éducation, par l’habitude, ou par la richesse ?

Dans la république romaine, où tout Romain naissait citoyen, et se croyait libre, il y avait cependant parmi les peuples subjugués quelques esclaves, qui ne pouvaient pas méconnaître leur servitude, puisqu’ils avaient chaque jour, sous leurs yeux, la certitude de la liberté de leurs maîtres. Ils savent bien qu’ils étaient esclaves, mais ils se croyaient nés pour l’être, et cela, par la