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au lieu que Collatin, sans appeler les autres à conjurer avec lui, aurait pu, sans doute, tuer le tyran, et se sauver lui-même après ; et réuni ensuite à Brutus, ils auraient pu encore rendre Rome à la liberté.

Il faut donc remarquer dans cet événement, que l’homme gravement offensé par la tyrannie, ne doit jamais d’abord conjurer avec d’autres, mais tout seul, parce qu’au moins il assure sa propre vengeance ; et avec le terrible spectacle qu’il apprête à ses concitoyens, il voit, avec quelqu’apparence de probabilité, la vengeance publique prête à éclater à la voix de celui qui veut et qui sait la diriger. En conjurant, au contraire, plusieurs ensemble, pour exercer d’abord la vengeance privée, on vient souvent à les perdre toutes deux : en conséquence, l’homme qui se croit capable d’entamer et de conduire à sa fin une grande et généreuse conjuration, dont le but doit être le rétablissement de la véritable liberté politique, ne doit l’entreprendre jamais qu’après plusieurs outrages faits par le tyran à la société, et après quelque terrible vengeance particulière entreprise et heureusement exécutée contre lui par un des plus gravement offensés ; et de même celui qui se sent vraiment capable de venger