Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.


pas la vie matérielle, il leur arrache nécessairement une vie plus noble, celle de l’entendement et de l’esprit, ou bien, si par malheur il vient à cultiver avec autant de soin la vie matérielle et intellectuelle, il ne fait, ce malheureux père, que préparer des victimes à la tyrannie.

Je conclus que quiconque, sous la tyrannie, possède une femme et des enfans, est d’autant plus esclave et avili, qu’il a plus d’individus qui lui appartiennent et pour lesquels il est obligé de trembler sans cesse.




CHAPITRE QUINZIÈME.

De l’amour de soi-même sous la tyrannie.


La tyrannie est si contraire à notre nature, qu’elle renverse, affaiblit, ou détruit dans l’homme presque toutes les affections naturelles. Nous n’aimons pas la patrie, parce qu’elle n’existe pas ; nous n’aimons pas nos parens, notre épouse et nos enfans, parce que toutes ces choses ne nous appartiennent pas avec sécurité ; nous ne connaissons pas