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sûr de sa personne et de ses biens, il y en ait cependant qui osent se choisir une compagne de malheur, qui osent perpétuer l’esclavage, en se donnant des enfans comme eux destinés aux fers ? c’est ce qui paraîtrait difficile à croire si on ne le voyait tous les jours. Si je devais en donner les motifs, je dirais que la nature, en cela plus puissante encore que la tyrannie, force les individus à embrasser l’état conjugal avec une force plus efficace que celle de la tyrannie qui les en éloigne. Et ne voulant maintenant distinguer qu’en deux classes les hommes soumis à un tel gouvernement, c’est à-dire, en pauvres et en riches, je dirai que les riches se marient sous la tyrannie par la folle persuasion que leur race, quoique très-inutile au monde, et souvent obscure, y est très-nécessaire comme un de ses plus beaux ornemens. Les pauvres se marient, parce qu’ils ne savent rien, parce qu’ils ne pensent rien, et parce qu’ils ne peuvent en rien désormais aggraver leur malheureux état.

Je laisse maintenant de côté les pauvres, non pas qu’ils soient méprisables, mais parce qu’il leur est moins nuisible d’agir comme ils le font. Je parlerai donc expressément des riches, par la raison que devant être plus