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l’être entièrement de leurs richesses et de leur orgueil, s’aperçurent clairement que sous la tyrannie ils ne pouvaient continuer à être supérieurs au peuple, s’ils ne faisaient rejaillir sur eux les rayons de la puissance. L’impossibilité de reconquérir leur antique puissance les força de plier leur ambition aux temps et à la nécessité. Que pouvaient espérer les nobles pour changer leur situation, d’un peuple qui n’avait pas oublié leurs anciennes oppressions, d’un peuple qui les abhorrait, parce qu’il les croyait encore trop puissans pour lui ; d’un peuple, enfin, trop avili pour les secourir, quand même il le voudrait ? Que firent alors les nobles ? Ils se jetèrent entièrement dans les bras du tyran, qui ne pouvant les craindre désormais, et voyant combien ils pouvaient être utiles au développement de la tyrannie, les choisit pour en être les soutiens et en même-temps les dépositaires.

Et voilà cette noblesse que l’on voit tous les jours dans les gouvernemens tyranniques de l’Europe, si insolente avec le peuple et si vile ensuite aux pieds du tyran. Cette classe est toujours la plus corrompue ; c’est pourquoi elle est le principal ornement des cours ; mais elle est aussi l’apôtre de la