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vie pour la liberté, c’est-à-dire, pour le plus grand avantage de la société. L’honneur moderne nous ordonne de donner la vie pour un tyran, c’est-à-dire, pour celui dont l’essence est de nuire à tous. Il voulait cet antique honneur, que les injures privées cédassent toujours devant les injures publiques. L’honneur moderne veut qu’on passe sous silence les injures publiques, et qu’on venge cruellement les injures privées. Le premier voulait que ses adorateurs conservassent amour et foi inviolable à la patrie seule, le nôtre seulement au tyran ; et je ne finirais pas si je voulais faire voir combien les préceptes de l’un et de l’autre sont différens entre eux.

Mais les moyens pour être honoré non moins des peuples esclaves que des peuples libres, sont toujours le courage et une certaine vertu ; avec cette grande différence, au moins, que l’honneur dans les républiques, dégagé de toute espèce d’intérêt particulier, se sert de récompense à lui-même. Dans les tyrannies, cet honneur employé au service du tyran, est toujours souillé par la faveur ou les récompenses ; et ces récompenses, plus ou moins distribuées par le prince, accroissent, diminuent, ou même