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événements : le programme du banquet et la mise en accusation des ministres.

Le 20 février, parut dans presque tous les journaux de l’opposition, sous le nom de programme du prochain banquet, une véritable proclamation, qui appelait la population entière à former une manifestation politique immense, qui convoquait les écoles et invitait la garde nationale elle-même à se rendre en corps à la cérémonie. On eût déjà dit un décret émané du gouvernement provisoire, qui, trois jours après, devait se fonder. Le ministère, qui était déjà blâmé par une partie des siens d’avoir tacitement permis le banquet, se crut autorisé à se rétracter. Il annonça officiellement qu’il le défendrait et qu’il l’empêcherait par la force.

Ce fut cette déclaration du pouvoir qui fournit le champ à la lutte. Je puis affirmer, quoique la chose soit à peine croyable, que le programme qui fit ainsi tourner sur-le-champ le banquet en insurrection fut composé, arrêté, publié, sans la participation et à l’insu des hommes parlementaires qui croyaient encore conduire le mouvement qu’ils avaient fait naître. Ce programme fut l’œuvre nocturne et précipitée d’une réunion de journalistes et de radicaux, et les chefs de l’opposition dynastique le connurent comme le public par la lecture qu’ils en firent en se réveillant.

Et voyez par quels contre-coups sont poussées les