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IV

Conversation que j’ai eue avec Berryer, le 21 juin 1851, dans un rendez-vous que je lui avais donné chez moi. Nous étions tous deux membres de la commission de revision.

Je l’abordai ainsi : Laissons de côté, entre nous, les apparences. Vous ne faites pas une campagne révisionniste, vous faites une campagne électorale. Il me répondit : C’est vrai ; vous avez bien jugé. Soit, lui dis-je ; nous verrons tout à l’heure si vous avez raison. Ce que je dois vous dire tout de suite, c’est que je ne puis entrer dans une manœuvre qui n’aurait pour but que de sauver, aux élections prochaines, une portion seulement du parti modéré, laissant en dehors de l’opération plusieurs autres et notamment celle dont je fais partie. Ou donnez aux républicains modérés une raison honnête pour voter la revision, en donnant à celle-ci un caractère républicain, ou attendez-vous à ce que nous ferons de notre mieux pour démonter vos batteries. Il en convint, mais opposa les difficultés que faisaient naître les passions et les préjugés de son parti. Nous discutâmes quelque temps ce qu’il y avait à faire et nous en vînmes enfin, au fond des choses, à la politique qu’il suivait.

C’est ce que je lui dis à ce sujet dont j’ai voulu surtout garder la trace.