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que Falloux avait été, sans hésitation, d’avis de faire partir la flotte. L’ordre fut expédié sur-le-champ. Cependant Falloux avait agi sans consulter les chefs de la majorité et ses amis, et même sans se bien rendre compte des suites de l’acte ; il avait cédé à un mouvement irréfléchi, ce qui lui arrivait quelquefois ; car la nature l’avait fait léger et étourdi, avant que l’éducation et l’habitude l’eussent rendu calculé jusqu’à la duplicité. Il est probable qu’après avoir parlé à Lanjuinais, il reçut des conseils ou fit de lui-même des réflexions, contraires à l’avis qu’il avait exprimé. Il m’écrivit donc une lettre fort longue et très embrouillée[1] dans laquelle il prétendait n’avoir pas bien compris Lanjuinais (ce qui n’était pas possible, Lanjuinais étant le plus clair et le plus net de tous les hommes dans ses paroles comme dans ses actes.) Il revenait sur son opinion et cherchait à couvrir sa responsabilité ; je répondis aussitôt par ce billet :

« Cher collègue, la résolution du Conseil est prise et, à l’heure qu’il est, il n’y a plus rien à faire qu’à attendre les événements ; du reste, en cette matière, la responsabilité de tout le Conseil est une. Il n’y en a pas d’individuelle. Je n’étais pas d’avis de la mesure, mais la mesure

  1. Lettre de Falloux du 11 octobre 1849.