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Le jeune sultan, me mandait notre ambassadeur, à répondu hier à l’envoyé d’Autriche, que tout en désavouant ce qu’avaient fait les rebelles hongrois, il ne pouvait plus voir en eux que des malheureux cherchant à échapper à la mort, et que l’humanité lui défendait de les livrer. De son côté, le grand vizir Rechid-Pacha, ajoutait notre ministre, m’a dit : « Si je perds le pouvoir pour ceci, j’en serai fier », et il ajoutait d’un air pénétré : « Dans notre religion tout homme qui demande merci doit l’obtenir. » C’était parler comme des gens civilisés et des chrétiens. Les ambassadeurs se bornèrent à répondre en vrais Turcs, qu’il fallait livrer les fugitifs, ou subir les conséquences d’une rupture, qui irait probablement jusqu’à la guerre.

La population musulmane, elle-même, était émue ; elle approuvait et soutenait son gouvernement ; et le muphti vint remercier notre ambassadeur de l’appui qu’il prêtait à la cause de l’humanité et du bon droit.

Dès l’origine du débat le Divan s’était adressé aux ambassadeurs de France et d’Angleterre. Il en avait appelé à l’opinion publique des deux grands pays qu’ils représentaient, demandé leur conseil et réclamé leur secours, dans le cas où les puissances du nord exécuteraient leurs menaces. Les ambassadeurs