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question, une agitation stérile et un bon vouloir impuissant. Notre devoir, quant aux événements de Hongrie, doit donc se borner à bien observer ce qui se passe et à rechercher ce qui va avoir lieu. »

On sait qu’accablés sous le nombre, les Hongrois furent vaincus ou se rendirent, et que leurs principaux chefs, ainsi qu’un certain nombre de généraux polonais qui s’étaient associés à leur cause passèrent le Danube, vers la fin du mois d’août, et vinrent à Widdin se jeter dans les bras des Turcs. De là, les deux principaux d’entre eux, Dembiski et Kossuth, écrivirent à notre ambassadeur à Constantinople[1]. Les habitudes et l’esprit particulier de ces deux hommes se révélaient dans leurs lettres. Celle de l’homme de guerre était courte et simple ; celle de l’avocat et de l’orateur était longue et ornée. Je me rappelle, entre autres, une de ses phrases, où il disait : « J’ai choisi comme un bon chrétien l’inexprimable douleur de l’exil au lieu de la tranquillité de la mort. » Toutes deux finissaient par réclamer la protection de la France.

Pendant que les proscrits imploraient notre appui, les ambassadeurs d’Autriche et de Russie se présentaient devant le Divan pour demander qu’on les leur livrât. L’Autriche fondait sa demande sur le traité de Belgrade, qui n’établissait nullement son droit ; et la

  1. Lettres des 22 et 24 août 1849.