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nent, la Prusse et l’Autriche, étaient en querelle et presque en guerre. Le moment n’était-il pas venu pour nous de contracter une de ces alliances intimes et puissantes, qui depuis soixante ans nous manquaient, et peut-être de réparer en partie nos désastres de 1815 ? La France, en aidant froidement Guillaume dans ses entreprises, que l’Angleterre ne contrariait pas, pouvait partager l’Europe et susciter une de ces grandes crises qui amènent le remaniement des territoires.

Le temps semblait si bien se prêter à de telles idées, qu’elles remplissaient l’imagination de plusieurs des princes allemands eux-mêmes. Les plus puissants ne rêvaient que changements de frontières et accroissement de pouvoir aux dépens de leurs voisins. La maladie révolutionnaire des peuples semblait avoir gagné les gouvernements. — « Il n’y a pas de confédération possible avec trente-huit États, disait le ministre de Bavière, M. Von der Pfordten, à notre ambassadeur. Il est nécessaire d’en médiatiser un grand nombre. Comment, par exemple, espérer de jamais rétablir l’ordre dans un pays comme le Grand-Duché de Bade, à moins de le partager entre des souverains assez forts pour s’y faire obéir ? Le cas échéant, ajoutait-il, la vallée du Neckar nous reviendrait naturellement[1] »

  1. Dépêche du 7 septembre 1849.