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à s’entendre avec lui pour former une confédération nouvelle et plus serrée que celle de 1815, et à lui en donner le gouvernement. À ce prix il se chargeait de les établir ou de les raffermir dans leurs États. Ces princes, qui détestaient la Prusse, mais qui tremblaient devant la révolution, acceptèrent pour la plupart le marché usuraire qu’on leur proposait. L’Autriche, qui se serait trouvée par le succès de cette entreprise chassée de l’Allemagne, protesta, ne pouvant encore mieux faire. Les deux monarchies principales du midi, la Bavière et le Wurtemberg, imitèrent son exemple, mais tout le nord et tout le centre de l’Allemagne entrèrent dans cette confédération éphémère, qui fut conclue le 26 mai 1849 et qui prend dans l’histoire le nom de l’union des trois rois.

La Prusse devint ainsi tout à coup dominante dans une vaste contrée, qui s’étendait depuis Memel jusqu’à Bâle, et vit un moment marcher sous ses ordres vingt-six ou vingt-sept millions d’Allemands. Tout ceci achevait de s’accomplir peu après mon arrivée aux affaires.

Je confesse qu’à la vue de ce singulier spectacle, d’étranges idées me traversèrent l’esprit et que je fus un moment tenté de croire que le président n’était pas aussi fou dans sa politique étrangère qu’il m’avait paru l’être d’abord. Cette union des grandes cours du Nord, qui avait si longtemps pesé sur nous, était brisée. Deux des grandes monarchies du conti-