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venaient de chasser leur grand-duc et de nommer un gouvernement provisoire. Et pourtant la victoire définitive des princes, que j’avais présagée un mois auparavant, quand je traversais l’Allemagne, n’était plus douteuse ; ces violences mêmes la précipitaient. Les grandes monarchies avaient reconquis leurs capitales et leurs armées. Leurs chefs avaient encore des difficultés à vaincre, mais plus de périls ; et maîtres chez eux, ou sur le point de l’être, ils ne pouvaient manquer de le devenir bientôt dans les États secondaires. En troublant ainsi violemment l’ordre public, on leur donnait le désir, l’occasion et le droit d’intervenir.

La Prusse avait déjà commencé à le faire ; les Prussiens venaient de réprimer, les armes à la main, l’insurrection de la Saxe : ils entraient dans le Palatinat du Rhin, offraient leur intervention au Wurtemberg et allaient envahir le grand-duché de Bade, occupant ainsi par leurs soldats ou leur influence presque toute l’Allemagne.

L’Autriche était sortie de la crise terrible qui avait menacé son existence, mais elle était encore en grand travail. Ses armées victorieuses en Italie étaient battues en Hongrie.

Désespérant de venir seule à bout de ses sujets, elle avait appelé la Russie à son aide et le tsar, par un manifeste du 13 mai, venait d’annoncer à l’Europe