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neuf années que j’avais consumées assez misérablement dans les dernières Assemblées de la monarchie avaient fort augmenté cette infirmité naturelle, et, bien que la manière dont je venais de supporter l’épreuve de la révolution de Février m’eût un peu accrédité à mes propres yeux, cependant je n’avais accepté une si grande charge, dans de pareils temps, qu’avec beaucoup d’hésitation, et je n’y entrais qu’avec beaucoup de crainte.

Je ne tardai pas à faire un certain nombre de remarques qui me tranquillisèrent, si elles ne me rassurèrent pas entièrement. J’observai d’abord que les affaires ne devenaient pas toujours plus difficiles en devenant plus grandes, ainsi que cela apparaît volontiers de loin ; c’est plutôt le contraire qui est le vrai. Leurs complications ne croissent point avec leur importance ; il arrive même souvent qu’elles prennent un aspect plus simple, à mesure que leurs conséquences peuvent être plus étendues et plus redoutables. Celui d’ailleurs, dont la volonté influe sur la destinée de tout un peuple, trouve toujours sous sa main plus d’hommes en état de l’éclairer, de l’aider, de le décharger des détails, plus disposés à l’encourager, à le défendre, qu’on ne saurait en rencontrer dans les œuvres secondaires et dans les rangs subalternes. Enfin, la grandeur même de l’objet qu’on poursuit surexcite