amis, car j’ai toujours trouvé d’un sens profond le vieux proverbe normand qui dit : « Bon Dieu ! préserve-moi de mes amis, je me garderai moi-même de mes adversaires. »
À la tête de nos adhérents, dans l’Assemblée nationale, se trouvait le général Lamoricière, dont je redoutais fort la pétulance, les imprudents propos et surtout l’oisiveté. J’entrepris de lui donner une grande ambassade lointaine. La Russie avait spontanément reconnu la république ; il était convenable de renouer avec elle les relations diplomatiques qui avaient été presque interrompues sous le dernier gouvernement. Je jetai les yeux sur Lamoricière pour le charger de cette mission extraordinaire et lointaine. Il était, d’ailleurs, l’homme indiqué pour un tel emploi, où il n’y a guère que les généraux, et les généraux célèbres, qui réussissent. J’eus quelque peine à l’y décider, mais le plus difficile à persuader fut le président de la république ; il y résista d’abord ; il me dit à cette occasion, avec une sorte de naïveté qui annonçait moins sa franchise que l’embarras de sa parole (celle-ci ne livrait guère ses pensées, mais se les laissait dérober quelquefois), qu’il voulait avoir dans les grandes cours des ambassadeurs à lui. Ce n’était pas mon affaire, car, moi, qui devais diriger les ambassadeurs, je comptais bien n’être qu’à la France. J’insistai donc, mais j’aurais échoué si je ne me fusse