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cipaux obstacles ; je savais que ceux-là étaient dans les hommes mêmes avec lesquels nous allions avoir à diriger le gouvernement, et que la défaite complète et rapide de la Montagne, au lieu de nous garantir du mauvais vouloir de ceux-là, allait nous y exposer sur-le-champ. Nous eussions été bien plus forts si nous avions moins réussi.

La majorité était formée principalement alors, de trois partis (le parti du président était encore trop peu nombreux et trop mal famé pour devoir être compté dans le parlement). Soixante à quatre-vingts membres au plus essayaient sincèrement, comme nous, de fonder la république modérée : c’était notre seul point d’appui solide dans cette immense Assemblée. Le reste de la majorité se composait de légitimistes, au nombre d’environ cent soixante, et d’anciens amis ou partisans de la monarchie de Juillet, représentants pour la plupart de ces classes moyennes qui avaient gouverné et surtout exploité la France pendant dix-huit ans. Je sentis aussitôt que, de ces deux partis, celui dont il nous serait le plus facile de nous aider dans notre dessein était le parti légitimiste. Les légitimistes avaient été exclus du pouvoir sous le dernier gouvernement ; ils n’avaient donc point de places, de traitements à regretter. Grands propriétaires pour la plupart, ils n’avaient pas d’ailleurs le même besoin de fonctions publiques que les