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renverse pas, elle ordonne : on lui obéit. J’ajoute, et je désire que toujours le parti républicain puisse le dire avec justice : j’en suis descendu, honorant par ma conduite mes convictions républicaines. Vous avez dit que nous avions vécu dans la terreur : l’histoire est là, elle parlera. Mais ce que je vous dis, moi, c’est que, si vous n’êtes pas parvenu à m’inspirer un sentiment de terreur, vous m’avez inspiré un sentiment de douleur profonde. Voulez-vous que je vous dise un mot enfin ? Vous êtes des républicains de la veille ; moi, je n’ai pas travaillé pour la république avant sa fondation, je n’ai pas souffert pour elle, je le regrette, mais je l’ai servie avec dévouement ; j’ai fait plus, je l’ai gouvernée. Je ne servirai pas autre chose, entendez-vous bien ! écrivez ce mot, sténographiez-le, qu’il reste gravé dans les annales de nos délibérations : Je ne servirai pas autre chose. Entre vous et nous, n’est-ce pas ? c’est à qui servira le mieux la république. Oh bien ! ma douleur c’est que vous la serviez fort mal. J’espère bien, pour le bonheur de mon pays, qu’elle n’est pas destinée à périr ; mais, si nous étions condamnés à une pareille douleur, rappelez-vous bien, rappelez-vous que nous en accuserions vos exagérations et vos fureurs. »

Peu de temps après que la mise en état de siège