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toujours ; mais tous nous voulions, dans le moment présent, les maintenir fermement. Cette résolution commune était, en politique, notre lien et notre drapeau.

Dès que le ministère se fût réuni, il se rendit chez le président de la république pour tenir conseil. C’était la première fois que j’approchais celui-ci. Je ne l’avais aperçu que de loin lors de la Constituante. Il nous reçut poliment. Nous ne pouvions en attendre davantage, car Dufaure avait agi vivement contre lui, et parlé presque outrageusement de sa candidature, il n’y avait pas plus de six mois, et j’avais voté ostensiblement, ainsi que Lanjuinais, pour son compétiteur.

Louis Napoléon a joué un si grand rôle dans le reste de cette histoire, qu’il me semble mériter un portrait à part, au milieu de cette foule de contemporains dont je me borne à esquisser les traits. Je crois avoir été de tous ses ministres, et peut-être de tous les hommes qui n’ont pas voulu prendre part à sa conspiration contre la république, celui qui s’est le plus avancé dans ses bonnes grâces, qui l’a vu de plus près et a pu le mieux juger.

Il était très supérieur à ce que sa vie antérieure et ses folles entreprises avaient pu faire penser à bon droit de lui. Ce fut ma première impression en le pratiquant. Il déçut sur ce point ses adversaires et peut-