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pour considérer l’état des mœurs et des opinions dans le pays. Là, je voyais clairement apparaître plusieurs des signes qui annoncent d’ordinaire l’approche des révolutions et je commençais à croire que, en 1830, j’avais pris la fin d’un acte pour la fin de la pièce.

Un petit écrit resté inédit, que je composai alors, et un discours que je prononçai au commencement de 1848 témoignent de ces préoccupations de mon esprit.

Plusieurs de mes amis parlementaires s’étaient réunis au mois d’octobre 1847 dans le but de s’entendre quant à la marche à suivre dans la session législative prochaine. Il fut convenu que nous publierions un programme sous forme de manifeste, et je fus chargé de ce travail : depuis, l’idée de cette publication fut abandonnée, mais j’avais rédigé la pièce qui m’avait été demandée. Je la retrouve dans mes papiers et j’en extrais les phrases que voici. Après avoir peint la langueur de la vie parlementaire, j’ajoutais :

« Le temps viendra où le pays se trouvera de nouveau partagé entre deux grands partis. La Révolution française, qui a aboli tous les privilèges et détruit tous les droits exclusifs, en a partout laissé subsister un, celui de la propriété. Il ne faut pas que les propriétaires se fassent illusion sur la force de leur situation, ni qu’ils s’imaginent que le droit de propriété est un rempart infranchissable parce que, nulle part jusqu’à