Il s’agissait de voter un décret qui mît Paris en état de siège, fit cesser les pouvoirs de la Commission et la remplaçât par une dictature militaire que le général Cavaignac exercerait.
L’Assemblée savait précisément que c’était cela qu’elle voulait. La chose était facile à faire : elle pressait et pourtant ne se faisait point. De petits incidents, de petites motions venaient, à chaque instant, rompre et détourner le courant de la volonté générale, car les assemblées sont fort sujettes à ces sortes de cauchemars dans lesquels une force inconnue et invisible semble s’interposer toujours au dernier moment entre la pensée et l’acte et empêche l’une de pousser jamais jusqu’à l’autre. Qui aurait pu imaginer que ce fût Bastide qui dût décider l’Assemblée ? Ce fut lui pourtant.
Je lui avais entendu dire avec grande raison, parlant de lui-même, qu’il ne trouvait jamais que les quinze premiers mots d’un discours. Mais les hommes qui ne savent pas parler, je l’ai remarqué quelquefois, produisent de plus grands effets, quand la circonstance s’y prête, que les plus beaux discoureurs. Ils n’apportent qu’une seule idée, celle du moment, enchâssée dans une seule phrase et la posent en quelque façon sur la tribune comme une inscription écrite en gros caractères, que tous aperçoivent et dans laquelle chacun reconnaît aussitôt sa propre pensée. Bastide nous montra donc