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On sait que ce fut la dispersion des ateliers nationaux qui fut l’occasion du soulèvement. N’osant licencier d’un seul coup cette milice redoutable, on avait essayé de la disperser en envoyant dans les départements une partie des ouvriers qui la composaient : ceux-ci refusèrent de partir. Le 22 juin ils parcoururent Paris en grandes bandes, ils chantaient en cadence et d’un ton monotone : « On ne partira pas, on ne partira pas… » Des députations d’entre eux vinrent faire des sommations hautaines aux membres de la commission du pouvoir exécutif, et, ayant éprouvé un refus, se retirèrent en annonçant que le lendemain on aurait recours aux armes.

Tout, en effet, annonçait que la crise si longtemps attendue était arrivée.

Ces nouvelles, portées à l’Assemblée, y firent naître une grande inquiétude comme on peut croire. Cependant elle n’interrompit pas son ordre du jour ; elle continua la discussion d’une loi d’affaire, et même, quoique émue, l’écouta ; il est vrai qu’il s’agissait d’une question bien importante et qu’on écoutait un orateur très éminent.

Le gouvernement avait proposé de s’approprier par un rachat tous les chemins de fer. Montalembert s’y opposait ; sa cause était bonne, mais son discours fut excellent ; je ne crois pas l’avoir entendu parler si