aussitôt les conduire et qu’il leur conviendrait peu de sauver le pays s’ils ne le dirigeaient pas. Or, une telle entreprise me semblait prématurée et dangereuse. Notre rôle et le leur était d’aider les républicains raisonnables à gouverner la République sans chercher à la gouverner nous-mêmes indirectement et surtout sans paraître y tendre.
Je ne doutais pas, pour mon compte, que nous ne fussions à la veille d’une lutte terrible ; toutefois, je n’en compris bien les périls que par une conversation que j’eus vers cette époque avec la célèbre madame Sand. Je la vis chez un Anglais de mes amis, Milnes, membre du Parlement, qui était alors à Paris. Milnes était un garçon d’esprit qui faisait et, ce qui est plus rare, qui disait beaucoup de bêtises. Combien ai-je vu de ces figures dans ma vie dont on peut affirmer que les deux profils ne se ressemblent pas : hommes d’esprit d’un côté et sots de l’autre. Je n’ai jamais vu Milnes qu’engoué de quelqu’un ou de quelque chose. Cette fois-là, il était épris de madame Sand et, malgré la gravité des événements, il avait voulu donner à celle-ci un déjeuner littéraire ; j’assistai à ce déjeuner et l’image des journées de Juin qui suivirent presque aussitôt après, au lieu d’en effacer de mon esprit le souvenir, l’y réveille.
La société était fort peu homogène. Indépendamment