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rêts anciens la garantie de ses traditions, de ses mœurs et de sa hiérarchie. Il était accepté et choyé de tous. Les prêtres qui vinrent à l’Assemblée y jouirent toujours d’une considération très grande, et ils la méritèrent par leur bon sens, leur modération et leur modestie. Quelques-uns d’entre eux tâchèrent de paraître à la tribune, mais ils ne purent jamais apprendre la langue de la politique ; ils l’avaient oubliée depuis trop longtemps ; tous leurs discours tournaient insensiblement en homélies.

Du reste, le vote universel avait remué le pays de fond en comble, sans mettre en lumière aucun homme nouveau qui méritât de paraître. J’ai toujours pensé que, quel que soit le mode suivi dans une élection générale, la plupart des hommes rares que la nation possède arrivent en définitive à être élus. Le système électoral qu’on adopte n’exerce une grande influence que sur l’espèce des hommes ordinaires que renferme l’Assemblée et qui forment le fond de tout corps politique. Ceux-ci appartiennent à des rangs très différents et ont des dispositions très diverses, suivant que l’élection a été faite dans un système ou dans un autre. Rien ne me confirma mieux dans cette pensée que la vue de l’Assemblée constituante. Presque tous les hommes qui y remplirent les premiers rôles m’étaient déjà connus, mais la foule des autres ne ressemblait à rien